Actif notamment chez 1=0, son projet d’un rock incisif et inobéissant, Ali Veejay met maintenant son talent au service d’une épopée solo. On relève, d’emblée, un registre plus docile, plus poli, plus pop, soul ou encore folk mais non restreint…et tout bonnement magnifique. Et animé, tout en renvoyant un chatoyant indélébile. On savait Ali doué, on ne le soupçonnait toutefois pas désireux de se réinventer avec autant de prestance, habillé d’une peau musicale neuve et merveilleuse qui tranche avec l’attaque rude que nous lui connaissons. Et pourtant! L’agité -dans la feutrine- Ramon, porté par une voix presque féminine (c’est pourtant la sienne, splendide), des touches folk remuantes et un rythme affirmé, décoche une première flèche décisive. Quelques « guets » de son entourage, dont Alexandre Tanet au saxophone ou encore Orval Carlos Sybélius à la batterie alors que Julien Zordan et Jildaz le Bras tiennent la basse, contribuent à optimiser ce disque resplendissant. Dimitri Dupire en assure le mix et le mastering, Doctor l’affuble d’un ton country-folk épuré lui aussi vivant pour l’amorcer sans chuter. A deux titres et pas plus, on a déjà capté: Veejay a découpé son opus dans la plus belle étoffe, celle de la passion, en orfèvre de la « zik ».
Last long, plus loin, marque de nouveaux points. A nouveau, vocalement, au zénith, il trouve sa source dans une finesse que le drumming secoue gentiment. Running girl, dans la foulée, mêle cuivres veloutés et trame aérienne dopée à la subtilité. Le tout sans ennui aucun car Ali a le don et le bon goût, le bougre, de donner corps et vie à ses compositions. Honoré par Mélanie Bauer, sur France Inter, mais aussi et surtout par les « petits » zines fouineurs et possédés, le bonhomme n’a pas volé ses lauriers. Son Small fishes, rutilant, lui en offre une poignée de plus. Si j’aime, que j’adore même, son travail nourri par la colère, où rock et hip-hop voisinent sur le ring, j’apprécie tout autant, moi l’endurci sonique, ce taf solo princier et addictif. C’est dire, c’est confirmer même, l’étendue de l’opus d’Ali Veejay.
Intrusion, dénudé mais malgré ça intense, joue folk et vif. Le chant, à nouveau, est rempli de ressenti. On clappe à tout-va, conquis par les vertus d’un musicien qui ne triche jamais. Yogi Grl, écrit pour une épouse alors inconnue, est non seulement touchant, mais aussi fiévreux dans son élégance. La sax y fait merveille, Ali sait s’entourer. Il aime, aussi, piquer en postant une pop-rock incisive (Hurt the sleeping). Un tube indé, me risquerai-je à prétendre. Attention, indé! Loin des sirènes du commercial, et dans une écorce plutôt rugueuse en dépit des mélodies servies. Un bonheur, un de plus, avant la fin des réjouissances. Lesquelles, enjolivées par un harmonica, surprennent en instaurant l’Italien (Odio puro).
Et ouais Biggy! Un Italien songeur, narratif, qui met fin sur un format un peu bref à un effort bluffant. Je relèverai, pour finir, la sortie du tout chez Dora Dorovitch. Un label, à l’image de mister Veejay, intègre et impliqué. Une structure à l’opposé du lucratif, shootée à la vérité. L’exact contraire des palpeurs de biffetons, aux « idées » creuses et à la rhétorique de niveau CP. Ca fait le plus grand bien, soniquement comme mentalement, et ça vaut bien entendu toute l’attention possible.