Horse Temple est le projet solo de Guillaume Collet (Rome Buyce Night, Dernière Transmission), amorcé en 2012. Ghosts/Tracks, premier opus instrumental publié en 2014, en a permis la découverte. Psychédélisme, shamanisme, orientalisme, musiques électroniques et répétitives en furent la texture. Mais aujourd’hui messieurs-dames, on a le bonheur de se cogner un disque qui use de voix, dans le sillage de phrasés inspirés par les vieux chanteurs de blues, mais aussi par les vocalistes cabossés du XXème siècle et leur dark folk incantatoire (Nick Cave, Jim Morrisson, Tom Waits…). Tout un programme…que vous ne pouvez que suivre à la note près et ce, pour de multiples raisons. Guillaume Collet, déjà, y assure tout : guitars, voice, percussions, mix et mastering.
Ensuite, Arh Abrabh nous chope par les sens, par le mental, et se montre pratiquement aussi indélébile, dans les traces qu’il imprime, qu’un Wovenhand ou un Black Angels. Ca dure dix tires, aucune de ces pièces ne sent le moisi et Collet agit tel un aimant quand le titre éponyme, psychédéliquement paresseux, sonique au point de tous nous faire la nique, avance avec sûreté, porté par des abords bruyants et grisants. Tandis que Nothing, qui suit le même chemin dénué de toute précipitation, incante et griffe avec panache.
Euphorisé par la félicité, j’ose la déclaration: I want you! C’est plutôt Horse Temple qui s’en charge mais qu’importe, il s’agit là d’une nouvelle salve lente et déterminante, séduisante dans ses aspérités. Après l’excellent Polaroïd Malibu d’ Echoplain, Zéro égal petit intérieur sprinte vers les honneurs dus à son rang. Celui d’écurie indé qui envoie bouler le mainstream, que de mon côté j’enc+++ allègrement. Pardon, je manque de tenue mais Arh Abrabh, par la sienne, me rattrape. The river coule doucement, dans un aérien intense qui remplit l’espace. Pas de rythme ici, juste le chant et les griffures des guitares. La batterie marque ensuite, de sa cadence pataude, un Pray for the monster qui ne demande qu’à imploser. Sans toutefois le faire, s’en tenant à une retenue grondante. Il y a dans l’album en présence une unité de ton qui l’honore, A name lui confère à son tour des atours éraflés, dont les guitares saignent et, dans le même temps, resplendissent. Don’t let me down, sous de airs de Nick Cave tout en velours sulfureux, apaise son fond.
Sans parler de sérénité, l’arrière-plan demeurant trouble, on retombe et on s’affuble d’un climat tranquillisé. Arh Abrabh répète ses atmosphères jusqu’à les rendre tenaillantes, c’est là l’une des clés de l’attraction qu’il engendre. Trust me, aux allures de David Eugene Edwards dans ses temps de recueil à vif, solidifie l’effort de Collet. I feel you soul, sur plus de huit minutes, s’appuie sur son côté insidieux, sur sa lenteur immersive, ses notes drues et pures, pour complètement envoûter.
Photo David Buisson.
Enfin Until the end, cadence ténue et finesse du décor en bandoulière, paré d’encarts grinçants, termine Arh Abrabh dans une forme de chamanisme entièrement prenant, à l’instar des dix morceaux livrés. La réussite est continuelle, on se drapera avec vice et délices dans les milieux sonores singuliers façonnés par Horse Temple, dont l’album viendra se caler entre ceux des projets de la même structure, tous recommandables et de teneur insoumise donc d’autant plus louable.