Duo barcelonais où dévient allégrement Silvia Konstance et Viktor L.Crux (collaborateur de Nurse With Wound et J.Arbeit d’Einstürzende Neubauten, tout de même…), Dame Area s’adonne à ce qu’il appelle la « Tribal Wave ». Pour les besoins de ce disque, le tourneboulant et bien nommé Ondas Tribales, il débarque chez Mannequin Records et gratifie le label allemand d’une mixture où l’Italien côtoie l’Espagnol, des congas font dans le tribal et des percus réelles insufflent un surplus d’exotisme. Mère Musique ne s’y retrouve plus, c’est tant mieux. En revanche elle gagne ici un rejeton à part, diablement captivant. Des airs de late 70’s, quand la plupart des combos hors-cadre posaient des bases fantaisistes et sans limites, se dégagent et le rythme affolé de Scopri Le Tue Passioni, chanté par une voix féminine mutine, de même que ses sons perchés, suscitent très vite l’intérêt. Le constat est clair, on a là un son neuf, singulier, porté par une symbiose qui retombe rarement. Linea Retta, spatial, mécanique, laisse gicler des effluves de synthés hallucinées. Ca se confirme, Dame Area ne se catégorise pas. Barré, cosmique parfois, dépaysant, sombre, il obsède par ses cadences et textures inédites. Corazon De Fuego, Corazon De Hielo poursuit logiquement sur une voie groovy, appuyée par les vocaux dingues de Silvia.
Respira, à la moitié de la danse et des réjouissances, fait dans l’obscur à la teinte EBM. Une fois de plus, on est emmené. Lignes de basse démentielles, pluie de rythmes « maison », élans célestes agités démarquent Dame Area. Des bruits dark s’invitent, on ne sait plus trop si on est là dans l’indus, l’électro, la mouvance cold ou dans une forme de psychédélisme cogné du bulbe. La Danza Del Ferro, tapageur, place ses secousses électroïdes, ses sonorités qu’un Neubauten aurait approuvées. Il n’est pas concevable, à l’écoute, de rester de marbre et encore moins de rejeter la formule, d’un style hybride et sacrément engageant. La Doble Luna, hypnotique, vrillé, psychotrope, heurte l’imaginaire. Une nappe sombre le surplombe et Silvia, à nouveau, chante avec démence. Avec déraison. C’est la combinaison de tout ça, entièrement ingénieuse, qui élève Ondas Tribales et en fait un puissant opium. No Pares De Trabajar, d’ailleurs, prolonge le sentiment de trip interstellaire qui jaillit de certains passages. On mesure à ce sujet l’influence du parcours de Viktor sur le rendu: oeuvrer avec les formations nommées plus haut, ça aiguise la créativité.
Photo Giulia Passamonti.
A coté de lui, sa comparse module son chant et, constamment, apporte râles et folie, phrasés brumeux et ton espiègle. A l’heure du dernier titre, un Triangolo Segreto tout en loopings et vagues éthérées, profondément stupéfiant, il y a bien longtemps qu’on a adopté Dame Area pour ses pouvoirs sur le psychisme, son approche sans précédent et ses voyages sonores toqués, passionnants jusqu’à leurs dernières secondes.