Black Country, New Road, londonien, montre…la route à suivre avec son premier opus, qui lui vaut déjà moultes distinctions. Il porte six titres allant bien au delà de la simple mouvance rock, qui tanguent et groovent, font du bruit aussi, et se permettent de dépayser l’auditeur pour lui faire quitter, illico, la grisaille de la capitale anglaise. Il s’appelle For the first time et pour une première fois, l’essai est magistralement transformé. Le panel est étendu, le clan inclut sept personnes et ensemble, ces dernières réalisent des prouesses de nature à les porter très haut. Next big thing? Ca me semblerait, pour le coup, mérité bien qu’un peu hâtif. Instrumental, dans un format instru remuant et coloré par un violon fou, un saxophone jamais en reste, fait d’emblée sonner le tocsin des réjouissances et de la jouissance…auditive. Lewis Evans (saxophonist), May Kershaw (keys), Charlie Wayne (drums), Luke Mark (guitar), Isaac Wood (vocals/guitar), Tyler Hyde (bass) et Georgia Ellery (violin) sont à leur affaire, le post-rock griffeur de Athens, France dégage beauté et sens du climat. Il breake, un chant sensible et narratif, geignard mais avec classe, l’affuble d’un cachet audible. Secousses rudes et magnificence s’abreuvent à la même source. Celle d’un disque fin, qui rudoie aussi, pétri de style et bénéficiant de l’apport d’outils inédits sur le plan instrumental.
Ainsi Science Fair, d’un début noisy bien ficelé, évolue vers une trame à la The Ex. Avec la même propension à dévier, à extraire le rock de son terreau de base, Black Country, New Road fait montre d’un talent récurrent. Ruades et incartades, magie des atmosphères, chant expressif, en relief, et envolées cordées/ventées postent le septette au sommet de l’art de la création sonore. Ebloui, on enfile nos Sunglasses et là, on a droit à un lent déroulé souillé, en prélude à des vagues post qu’une fois de plus, la voix et la splendeur instrumentale déployée magnifient et, aussi et surtout, percutent, écorchent avec brio. Il n’est pas rare, c’est même une habitude, de changer de ton, de rythme. Le procédé apporte un plus, confirme la versatilité entièrement pertinente du groupe. Black Country, New Road, révélation à honorer. For the first time, opus captivant. On pense à pas mal de cliques, certes, à l’écoute. Mais le premier constat dressé est le suivant: Black Country, New Road trace ses propres lignes, élabore ses bases, bien à lui, et se dédouane de toute influence envahissante.
Track X, en avant-dernière position, pose une entrée en matière sereine, presque psyché. De partout sortent des notes charmeuses; on sent toutefois, derrière, l’orage taper à la porte. On se retient, on reste d’ailleurs dans cette retenue: l’effet est magique. Black Country, New Road mérite ses lauriers, on l’attendra bien sûr au coin du bois car nombreux sont les projets qui, après des débuts marquants, ont ensuite sombré soit dans la redite, soit dans l’insipide. Il semble pourtant qu’ici, on ait tout ce qu’il faut pour éviter l’écueil. Opus, sur huit minutes de rock teinté de jazz free et sur une cadence vive, sur des élans qui évoqueraient dans certains recoins Kusturica, se charge de finir entre attaques et temps de « pause » où le chant fait derechef sensation. Il existe, sur ce For the first time, une classe british passée au filtre d’un esprit joueur et défricheur. Le résultat, est-il besoin de le rappeler, vogue allègrement au dessus de la mêlée.
C’est dans la fièvre, le déluge sonique suivi d’une retombée, que l’affaire trouve son terme. Pas une minute, l’ennui ou l’impression de perfectibilité ne sont venus entacher le plaisir qu’injecte la rondelle, première salve singulière et probante de ses premiers instants à ses ultimes poussées. Notons en guise de conclusion que l’objet sort chez Ninja Tune, dédié lui aussi à l’audace musicale et à toute forme de « bifurcation » dans le rendu final.