Kabbel est le projet électro/Queer Sadcore de Greg Hoepffner (Almeeva, Jean Jean, SURE…). L’homme est actif à souhait, désormais basé en Suède, loin de la frénésie parisienne. Il y développe son projet le plus individuel qui puisse être, Kabbel donc, avec à la clé cet EP remuant, mélodieux aussi, où notre homme tire une croix sur ses rêves de grandeur, s’assume en tous points, et renoue avec le plaisir de pousser la chansonnette sans se contraindre à suivre une norme castratrice. Le rendu, comme on pouvait s’y attendre, malaxe les textures, superpose les tons et climats, grésille et se veut tout aussi sensible. On est dans une posture entre déviance et clins d’oeil à des tendances « normales », j’entends par là plus « pop » si je puis dire, sous la houlette du producteur Christoffer Berg (Fever Ray, The Knife, Depeche Mode…).
Lights go out déblaye le terrain, de soubresauts électro-indus en chant crooné et nappes aériennes. Sans plus attendre, Kabbel impose un genre, une approche qui attirent l’attention. De son morceau émanent des sons bruts mais aussi célestes, qui lui offrent l’opportunité d’une amorce probante. End of norms marque, de toute évidence et comme annoncé, la fin des normes pour un artiste sûrement entravé, jusqu’alors, par ces dernières. Place à la sienne donc, libre et profondément personnelle. Hoepffner y met de lui-même, c’est là le meilleur des procédés pour engendrer une oeuvre sincère et à l’écart.
Avec Young again, lui aussi traversé par des sonorités indus puissantes qu’entourent des bruits plus spatiaux, l’orientation se confirme. L’attrait aussi. Il faudra, je n’en disconviens pas, s’y reprendre à plusieurs fois, réitérer l’écoute, pour appréhender pleinement ce End of norms. Mais le jeu en vaut la chandelle, comme avec la plupart des disques qui ne se livrent pas dans l’immédiat. On entend là des boucles à la Reznor, à l’accroche sûre. Mais c’est Kabbel qui, quoiqu’il advienne, mijote sa propre tambouille. Il a, pour ça, tous les atouts et qualités requis. Tied le prouve, son chant est aigu, ses secousses nerveuses. End of norms est dans les contrepoints, en cela il marque des points. Il breake dans les nuages, la voix ressurgit en renvoyant de lointains airs de Depeche Mode (si si). De tonalités délicates en abords endurcis, Kabbel trouve sa place et investit la place avec une belle dose d’agilité dans ses constructions. No more XTC, s’il parait dans un premier temps immuable, finit par émerger et instaurer un décor sobre, magnifique.
Plus apaisé, il conclut un EP globalement élevé, stylistiquement insaisissable, aux ambiances qu’on pourrait qualifier de posément tendues, où se percutent divers genres musicaux. L’amalgame est bon: le sieur Hoepffner poursuit donc sur un sentier plus « à lui » son petit bonhomme de chemin, désormais émaillé d’une longue série de réussites dont le trait commun réside dans leur contours non-conformes.