Christophe Feray et « Monsieur Mo », routards de l’échiquier hexagonal et fervents défenseurs, au sein de leurs labels respectifs, du son qui diffère, évoquent avec Muzzart la naissance de leur toute nouvelle structure, Daaganda Records…
Daisy Mortem, premier groupe signé
1) Daaganda Records : nouveau label, nouvelle optique et nouvelles missions ? Ai-je visé juste ? À quoi renvoie, par ailleurs, l’appellation choisie ? J’y entends, pour ma part, des consonances tribales…
Daaganda Records est né de la passion pour les musiques à la marge. Le label est né également « Fils de… », ce qui lui confère un certain avantage mais aussi quelques inconvénients. La nouvelle optique de Daaganda Records est de s’affranchir de l’image un peu encombrante de ses pairs, car en France on aime bien classifier, étiqueter… Et là le bébé a les dents longues, un mauvais caractère et une forte personnalité. La ligne artistique de Daaganda Records lui sera donc propre.
Daaganda délivrera le meilleur de la musique, pour un public averti : qu’il n’y ait pas de méprise, c’est sa mission.
Le nom Daaganda a été choisi parce que Viagra Boys était déjà pris et que All Cats Are Beautiful pouvait inciter la SPA à nous faire un procès. Mais on s’égare… Si Daaganda Records à des consonances tribales, c’est parce que Daaganda est un esprit d’origine africaine et plus précisément d’Éthiopie, hantant les tribus Surma. Certaines de ces tribus, comme les Mursi, sont reconnues pour être les plus guerrières de la corne d’Afrique. Daaganda est issu de traditions ancestrales très secrètes, à l’image de la crainte qu’il inspire et des sacrifices consentis pour apaiser sa colère. Ce démon par le son prend possession des corps, les agitant hystériquement dans une sorte de transe et créant le désordre ! Un véritable vaccin contre la morosité ambiante, conçu pendant cette période co-vidée de sens!
2) Vous êtes 2 à être à l’origine de la création de Daaganda Records et issus de structures délibérément affiliées à la différence musicale, Jarring Effects et Atypeek Music, Pouvez-vous nous dire un mot sur leurs origines et activités ?
Effectivement Daaganda Records regroupe 2 figures de référence ; Jarring Effects avec Monsieur Mo et Atypeek Music avec Christophe Féray.
Chronologiquement, le label Atypeek Music a démarré fin des années 80 et a été très actif jusque dans les années 90, puis s’est mis en hiatus quelques années pour reprendre une dynamique importante depuis 2010 en passant au tout digital et prend depuis un essor exponentiel.
Le label Jarring Effects, quant a lui, a démarré dans les années 90, a gardé une constance et un développement remarquables, et a su créer de lui-même les outils qu’il lui manquait. Jarring Effects a donc développé un large panel de services répondant aux attentes du label et des artistes, comme sa propre agence de booking, son studio d’enregistrement, un organisme de formation, l’édition musicale…
Le point commun des 2 labels est le terreau indépendant dans lequel ils se sont développés, leur ligne artistique ouverte sans parler de leurs anticonformistes respectifs.
3) Que pensez-vous que Jarring et Atypeek puissent apporter à Daaganda ?
Pour les 2 structures, l’apport de leurs expertises et leur complémentarité vont permettre à Daaganda Records un lancement autonome avec une puissance de feu considérable, et surtout un accompagnement de nos artistes à 360°. L’artiste et son développement seront au centre de nos intérêts ; pour beaucoup trop d’artistes de talent la route est longue et sinueuse, c’est donc pour ça que nous avons décidé de créer ce label qui serait un incubateur de talent et d’y apporter les moyens nécessaires au développement.
La création, la production, l’édition, la distribution, la promotion et la représentation seront couvertes par le label. Les tâches seront réparties par affinités et par spécialités. Cette alchimie spécifique par le parcours et les individualités restera secrète, nous ne dévoilerons pas notre formule car le mystère suscite toujours de l’intérêt. Nous le répétons et souhaitons que Daaganda Records ait sa propre identité, une forte originalité tout en touchant un public toujours plus large, et puisse se démarquer de ses racines Jarring/Atypeek.
Une sorte de rejeton prépubère un peu irrévérencieux, énervé, qui saura se détacher des conventions, profiter de son bagage historique et apporter un vrai soutien à ces artistes.
4) Avez-vous déjà en tête des idées d’artistes à promouvoir ou encore d’événements à organiser ? Quelles sont les « conditions » à respecter pour intégrer votre catalogue si ce n’est, bien évidemment, d’être à contre-courant musicalement ?
Daisy Mortem est le premier groupe signé par Daaganda Records, il est décrit par Fucking Young comme « l’un des projets les plus sauvages et dansants à faire parler de lui dans l’underground français », ou encore par Vice comme « chahutant l’époque, la prenant par le col et la secouant pour mieux en tirer toute la sève cahoteuse ».
Daisy Mortem est un véritable OVNI dans le paysage francophone. Nous ressortons leur premier album « Faits Divers » en collaboration avec Napp Records. En 2021, nous sortirons un nouvel album « Fausse Nouvelle » dont une version inédite de Prohibition 2050, un arrangement (officiel !) du titre Prohibition de Brigitte Fontaine / Areski et masterisé par Enyang Urbiks (InFiné, XL Recordings). Du très lourd !!!
Des soirées Daaganda ou les « Daaganda French Speakeasy » seront organisées en toutes illégalité pendant la période de la Prohibition 2020-2022. Du coup je ne vois pas quelles pourraient être les conditions pour intégrer le club, dans un contexte où il n’y a pas surtout pas de conditions à respecter.
Christophe Feray/David Morel.
5) Quelles sont les mouvances musicales, et comportements/orientations individuels, que vous pensez privilégier avec Daaganda ?
Une forte volonté d’être défricheur et d’aller chercher des artistes innovants. Il y a fort à parier sur des musiques plutôt métisses, pouvant venir d’autres continents, énergiques voire tribales, où l’imagerie et la performance ne pourront que séduire. On aime bien, par exemple, les productions d’Ipecac Recordings et de Nyege Nyege.
Concernant le support, nous allons nous concentrer sur le digital, car outre la promotion au travers des médias et réseaux sociaux, internet tient un rôle incontournable pour les labels et les artistes, malgré ses dérives, car il a aussi enfanté de nouveaux usages d’écoute ainsi que la distribution digitale. L’édition musicale permettra de trouver un équilibre dans la balance.
6) Vous êtes implantés à Lyon, la ville est-elle amenée à être votre tout premier « pourvoyeur » pour Daaganda ?
Non pas spécifiquement, même si Lyon bénéficie d’un vivier incroyable et que la scène locale ne manque pas de couleurs. Elle bénéficie également de labels ou de collectifs très bien structurés sur tout l’Auvergne-Rhône-Alpes. Daaganda Records sera dans son temps et ouvert sur le monde. Ce sera le coup de cœur, la passion, la qualité de la proposition, l’humain et les belles rencontres qui guideront les collaborations de Daaganda Records.
7) Daaganda constitue-t-il aussi, pour vous 2, l’occasion d’un nouvel élan, l’opportunité de vous régénérer après toutes ces années au service du son indépendant qui, souvent, pompent une belle énergie ?
Affirmatif mon général, sauf sur le sujet de régénération. Car contrairement à ce que l’on peut penser, ces années de services ont généré de l’expérience et elles ont aiguisé notre passion plutôt que nous user, et c’est parce que nous débordons d’énergie et d’envies que nous lançons Daaganda Records. Une opportunité de travailler ensemble sur un nouveau projet digital, d’une nouvelle croyance, de confronter nos méthodes et d’échanger et de partager sur un projet en devenir…
C’est une quête inexplicable et le digital est le monde de demain.
8) Votre label naît en pleine ère covid, ça n’a visiblement pas freiné vos ambitions ! Comment fait-on pour perdurer en tant que label, pour traverser les périodes de trouble ? Quels sont selon vous les éléments qui, à l’inverse, permettent la réussite ?
Volontaires et passionnés c’est déjà un bon départ pour lever tous les freins. L’individu, en période de crise Covid-19, a encore plus besoin de se rattacher à l’espoir et à la passion. La musique n’est qu’émotion : stimuli, adrénaline ou sérénité et apaisement. Avec Daaganda Records, nous avons choisi la montée d’adrénaline, le défi, l’énergie, la vitalité, ce qui en soi incite à une dynamique positive. C’est motivant, pour Daaganda Records, de se lancer dans une conjoncture aussi mauvaise. Ça induit un certain respect chez les gens du milieu, des artistes, des auditeurs. Même si la culture est en berne, les forces créatrices sont présentes, elles rongent juste leur frein. On sera là quand tout va redémarrer et quel bordel ça va être !
Pour perdurer en tant que label, Jarring Effects à fait ses preuves dans ce domaine. Il faut sans doute être tenace, savoir s’adapter, se renouveler, avoir des convictions et croire en ce que l’on fait, et faire une proposition qui trouve un public, un auditoire sans se trahir. Avec ces capacités, de la niaque et un peu d’expérience et d’innovation, à chaque problème tu trouves une solution.
La réussite, pour nous, est d’être encore dans la place, d’avoir développé des artistes incontournables dans leurs styles, d’avoir une certaine reconnaissance, une communauté et de se lancer dans un projet tout neuf avec la même conviction et énergie qu’à nos débuts. Toujours dans l’action, sans se photocopier, l’expérience en plus.
9) Prévoyez-vous quelque chose de particulier pour marquer l’arrivée de Daaganda Records ?
On est dans la place et il va falloir compter sur nous. Les soirées officielles Daaganda attendront un autre contexte, donc pas de performances sous nos latitudes, juste communiquer et partager nos découvertes. En revanche pour les soirées prohibition « Daaganda French Speakeasy » vous pouvez vous inscrire par mail à wtf@daaganda.com, si pas de retour c’est que vous êtes sur la bonne voie. N’hésitez pas à vous tenir au courant sur Daaganda.com et nos réseaux sociaux.
Daisy Mortem par Charlotte Pouyaud.