Lensois et c’est déjà, en soi, une gageure pour un groupe de rock, Bly s’est fendu en 97 de son « album à la cocotte-minute », intitulé Stroke of Luck. C’était l’époque du rock à guitares, notre scène était fournie et fourmillante. Je citerai, en vrac, Skippies, Drive Blind, Les Thugs, Deity Guns, Condense, Basement, Portobello Bones, Virago, le tant regretté Dominic Sonic, et une pelletée d’autres que tout bon gaillard réellement rock se doit de posséder sur ses étagères. Ah oui, y’avait aussi Welcome to Julian et c’est pas rien non plus. Car à l’écoute de ce Stroke of luck renversant, aux manettes duquel se trouvent Frédéric Vidalenc, de Noir Désir, et Dominique Brusson, c’est à leur fabuleux Surfing on a t-bone que je songe. Direct! C’est dire la qualité de l’opus des convertis au RC Lens, porteur de douze titres parcourant un panel élargi, sans trahir son esprit pop-rock guitaristique qui, parfois, louche vers les sphères fusion (Free et ses pulsions funky qui suivent un départ tonitruant). Un disque que j’ai possédé, que je n’ai plus sans savoir pourquoi et ça, c’est rageant. De quoi s’en vouloir à toute heure du jour et de la nuit mais heureusement, le Bandcamp du clan le propose en téléchargement gratuit et l’objet est encore trouvable sur certains sites à un prix modique. Des sommes bien éloignées de ce que vaut, musicalement, un opus qu’instigue News, à l’amorce prolongée qu’étend un rock fougueux/mélodieux, tchatcheur, du plus bel effet. Un rock aux mélopées exaltantes, chantées à plusieurs, qui nous mettent d’emblée sur la voie de la joie.
On est, déjà, pas mal du tout. Le Free nommé plus haut déboule, tout à la fois fonceur et breakeur, noisy, hybride et riffeur. Fichtre!, voilà du costaud! Hangover, dans un finesse pop au fond troublé, vient d’ailleurs remettre une pelletée de qualité dans la bétonnière des mecs du Pas de Calais. Nul ennui dans l’affaire; celle-ci est variée, n’hésite pas à braquer le volant au sein d’un seul et même morceau et ce, sans finir dans l’décor. Alors on en veut encore, Opposition claque un chant en Français scandé. Il a de faux airs de Spicy Box, autre fleuron de l’époque visée. Les guitares sont bavardes, elles tissent des toiles sans cesse attrayantes. Sacrebleu, nous voilà pris par la nostalgie! Pub song, court intermède un tantinet psyché, s’intercale et fait lui aussi sensation. Winch, pavé vicié, d’abord lourd puis vivace, génère le même enthousiasme. La batterie, rapide, le dope. Bly ne connait pas la faille; il est lancé, ici, sur le route d’une enfilade de morceaux élevés. Il aime se tempérer, en restant offensif. Son collectif est aussi huilé que celui du RCL de son temps. Bly est une équipe. Pas des vedettes, assurément, mais des gars passionnés aux bonnes idées. Leur Artificial paradise vaut bien une petite visite, il parle noise mais se veut mélodique. Sa cadence s’enflamme, tapageuse. Brisure, nuance, susurration. Tout est en place, Stroke of luck a vraiment du chien. Une certaine sensibilité aussi, dans ses airs pop parfois sucrés. I go away se montre fidèle à la versatilité cohérente du groupe.
Oh et puis, z’ont joué avec A Subtle Plague. Si pour certains ça ne sera que du thym, pour moi ça vaut beaucoup plus. Bref, revenons à notre cocotte. Elle fuit sur Blind, lancé à toute berzingue, gavé de notes captivantes. Bly Drives Blind, avec Memory il est sensitif avant de faire enfler sa composition, de la saccader pour, après, revenir à des tons doucereux. Une fois de plus, ça passe easy. Where’s the pleasure, semble interroger le titre suivant. Partout, et surtout ici, au son de c’te chanson groovy et ondulante. Damned, on arrive à la fin! Le bazar est passé comme un météorite. Le morceau prend fin dans un fracas bruitiste bonnard, puis une ultime pépite est extraite de la mine. Elle s’appelle Sorted, c’est une perlette poppy subtile autant qu’entrainante. On y trouve, comme de coutume, une coupure de toute beauté. Bly, après son Winch Electric Pop de 94, fait péter la soupape avec cette rondelle digne des plus grands, largement à la hauteur de ce qui se faisait alors, et se fait encore actuellement, de meilleur dans le genre. On me souffle que les bonshommes seraient à nouveau actifs: je vous laisse donc, pour finir, partir sur leurs traces, assurément bonnes à suivre…