S’il existe des « repères » rock dans l’hexagone, j’entends par là des artistes indé n’ayant de cesse de bâtir un parcours personnel crédible, alors incontestablement, Laetitia Shériff en fait partie. La rennaise, depuis 2004 et un Codification qui déjà la dotait d’atours séduisants, multiplie les sorties significatives. La dernière en date, STILLNESS, vaut d’ailleurs bien qu’on s’y arrête…longuement. C’est l’opus en question qui en ce mardi, au Stereolux de Nantes et dans le cadre de l’émission Le Baume du Tigre instiguée par ladite salle, lui a permis de combler, joliment et intensément, notre manque de sons live « direct in our faces » et ce, sous deux aspects différents et pourtant complémentaires. L’électrique d’abord, avant une interview, puis l’acoustique.
Place donc à la face dépolie. Deal with this, annonce le premier titre joué. Aucun souci, on s’en accommode avec grand plaisir! Le morceau est léger-enlevé, le trio soudé. Il allie caractère et mélodie, finesse et rugosité. Regards complices, passage massif, quelques « pa-pa-pa » plus loin la félicité nous tombe sur l’occiput. On enchaine sans détour, les riffs crus de Stupid March retentissent. Il fait du bien ce boucan, une fois de plus les chants sont à l’unisson et Shériff, avec ses solides acolytes, fait foi et loi. On ne peut lui contester sa prestance, ni la fiabilité de ses créations discographiques successives.
On suit le flux, nourri. Et tendu, pour le coup. Ca joue serré, dans le sonique jouissif. Voilà le rock qu’on aime, authentique, sans fard, doté de choeurs qui l’enjolivent et l’intensifient. Laetitia est électrique, Sign Of Shirking et son tempo débridé la font rugir puis…s’assagir? Non: plutôt se nuancer, de manière viciée et racée, avec ce panache qu’on lui (re)connait. Ce premier set est court, certes, mais d’une portée rock enragée qui sacre la Dame et son gang sans lacunes ni fissures, si ce n’est celles d’embardées bruitistes enthousiasmantes. Il est alors l’heure de l’interview, on y revient sur Stillness bien sûr, sur les activités actuelles de la ressortissante de chez Yotanka qui aura ensuite droit, par le biais de son co-directeur Vivien Gouery, à quelques mots bien mérités. On y aborde le manque, de sets et du public. Laetitia est lucide, naturelle. Comme à l’habitude. Elle empoigne ensuite la guitare, seule, dans un décor intime. A Thousand Miles, dépouillé, donc, de sa vêture rock originelle, trouve une nouvelle vie. Fin, digne d’une Shannon Wright quand elle met ses émotions à nu, il ravit.
De quoi clore les yeux, se laissant porter par la magie Sheriff. On les rouvre, cependant, pour le splendide People rise up à l’urgence raffinée. L’un des hymnes, à mon sens, de Stillness. Dans une lumière tamisée, de noir vêtue, la fille de Rennes nous entraîne et nous captive. Dans une subtilité intense, elle nous gratifie d’une version prenante dont on se prend à imaginer la force dans les temps où, de retour sur scène et face à nous tous, elle l’interprètera en trio. Pour l’heure, on est dans un ressenti pur, profond, qui force l’adhésion. On piaffe d’impatience, au moment des au revoir, de la revoir. On glisse au passage un grand merci au Stereolux, lieu incontournable, pour ses actions porteuses. Passé l’intervention du sieur Guery, éclairante quant aux dernières parutions issues de la structure angevine, mais aussi celles à venir, on a droit au singulier « Samantha Fox et Rouky« , mini série signée du metteur en scène Hervé Guilloteau et du musicien Federico Pellegrini. De l’inédit savoureux et décalé, en point d’orgue de l’émission proposée.
Le Baume du Tigre, initié le deux mars dernier et présenté par Stéphane Mathé dans son superbe sweat de l’équipe de France version 80’s, produit tout comme la pommade dont il reprend le nom une bouffée de fraicheur. Il soulage les âmes, forcément endolories par des circonstances éprouvantes, remet les corps en branle et nous épaule superbement dans notre lutte pour le son et sa survie. Pour une culture VITALE et ESSENTIELLE, négligée par ceux qui, de toute façon, n’ont d’yeux et de ressources que pour le bas ou pour leurs complices du vice. Le tout avant Frenchmodel (aka French Cowboy x Supermodel), ce mardi soir, pour une nouvelle rafale sonore de tout premier ordre à ne rater sous aucun prétexte.
Setlist: Deal With This/Stupid March/Sign Of Shirking/Interview/A Thousand Miles (du EP The Anticipation)/People Rise Up.