Namoro est duo formé par Bili Bellegarde, figure du cabaret Madame Arthur, et Mascare, performeuse et dresseuse de machines. L’univers de la paire convoque électro, poésie, colère et amour et bien d’autres choses encore. On y entend du fluet prenant, des saturations bienvenues et au delà de tous ces éléments, une identité propre qui accroît l’intérêt de ce Cassia Popée qui est le premier album des deux dames. En attendant le vinyl, prévu pour juin, Atypeek Music donne vie à la version numérique. Dance in the dyke bidouille déjà avantageusement: synthés 80’s, recoins dark, poème lunaire et amoureux, agitation « élec-indus » à la manière d’une Camilla Sparksss en constituent la texture. Le début est d’emblée accrocheur, décalé. Alors continuons, on ne peut que se féliciter d’avoir un album hors-cadre à s’envoyer. Magny, entre salace épars et riffs crus à la Battant, saccade ses sons, clame un poème à nouveau racé. Ca se confirme, Namoro n’est pas un projet rangé. Les voix se croisent, leur effet est certain. On passe ensuite à Wake up call, groovy et haché, qui étend le champ musical d’un opus étonnant. On pourra penser à Sexy Sushi, Mansfield.TYA, Eurythmics comme nommé sur le Bandcamp du duo, ou encore à la Camilla citée plus haut. A l’arrivée, c’est bel et bien Namoro qui définit son territoire.
Les Guérillères, d’abord susurré, jette une chape sombre, céleste, au jet psyché. Le jeu sur les voix nous laisse sans voix, le climat, à nouveau, se fait trouble et dérangé. L’issue est excellente, une fois encore. Des rythmes marquants animent le tout, En forme de diamant obsède de par ses boucles. Pour le coup c’est à Maman Kusters, autre paire mais brestoise et masculine, que l’essai de haute volée me fait penser. Génie des textes, insoumission d’un registre inclassable font qu’à l’écoute, on frétille de plaisir. De joie d’avoir pu dénicher un album personnel, folie-ment dansant et inventif. De quoi se trémousser dans le noir, dans la lumière blafarde d’une époque pas très claire. Il nous reste, heureusement, pour y résister, Cassia Popée. Un échappatoire, un abri anti-quotidien. Intermède sonne ludique, expérimental aussi. Il invite un chant « de mec » répétitif, prend des airs dark-wave triturés un brin indus. Bien mieux qu’un simple intermède, à vrai dire. Echos se fait lui oriental, il embarque ailleurs et marie les chants, pond des sons en spirales complètement psychiatriques. Excellentissime. Dix mille yeux, à sa suite, nous sert une trame spatiale et cadencée. Des bruits, aussi, vrillés, psychotropes.
Mazette, z’ont fait fort ces deux-là! Au plaisir (ce serait donc fini? Ah non, trois titres restent au menu) est une forme de drone serti de sonorités dingues. On est ici dans les sphères de l’imagination sonique, du mot imagé, du texte élevé. Hyène soeur de louve riffe cru, l’hybride musical de Namoro ne connait pas d’égal. De mon côté, à l’heure du thé du matin, mon élixir porte son nom. Source de jouissance (il n’y a qu’à écouter de façon attentive, pour s’en imprégner, ce Hyène soeur haletant), Cassia Popée est un OVNI musical qu’on ne laissera pas filer. Amour courant, au son d’une électro tarée et speedée aux riffs détournés, avant de se faire plus convulsif, se distingue. Voix floutées, atmosphère perchée et tapageuse engendrent une adhésion définitive. C’est alors le bien nommé Fermeture, aux nappes derechef tourmentées, nuptiales et versatiles, qui met fin aux festivités. Le genre est, on s’y attendait, sans genre précis mais pétri de style et d’ingéniosité. Les Dames ratissent large, pour au final fonder LEUR son. Définitif. Bili Bellegarde et Mascare, dans un entrelac de sons et de mots envoûtants, alliés avec brio, frappent fort et déraisonnent merveilleusement.
Notons pour finir que les clips de Namoro, en phase avec ses compositions, valent eux aussi le détour. Mieux que ça, ils font partie de ceux qu’on matera sans relâche, à l’image d’un Cassia Popée qui, à chaque écoute consentie, dévoile de nouveaux trésors sonores et verbaux. Addictif, cinglé et hautement individuel, voilà un disque qu’il s’agit de s’offrir quel que soit le support choisi, afin d’en explorer fiévreusement les nombreux recoins déviants et termes inspirés.