On est « Sauvé« , It It Anita est de retour et en pleine bourre! « Laurent » peut souffler, c’est un autre gaillard qui prend le relais (l’intitulé fait référence à l’ingé-son du clan) et le résultat dévaste tout en éreintant la concurrence, comme on le souhaitait. Enregistré en France à l’été 2020 par Amaury Sauvé donc (Birds in Row, Bison Bisou etc.), l’opus résulte non seulement du savoir-faire des mecs de Luik, en Belgique, mais aussi de scènes multiples (150 après le premier jet nommé plus haut en ces lignes). Ghost, bourre-pif noise se fendant de mélodies vocales chatoyantes, ouvre la voie en donnant de la voix. Si ces mecs-là sont devenus des références, c’est du à tout sauf au hasard. Le statut n’est sûrement pas usurpé, il est d’ailleurs consolidé par le groove enragé de Sermonizer. Rythme en furie, guitares-soldats, chant aussi mélodique que combatif, rage rentrée ou nettement plus ouverte forment un deuxième parpaing imparable. Celui-ci se saccade, file droit aussi, riffe en mode « bruit ». It It Anita a ce don, décisif, qui lui permet de « tuber » de l’indé écorché à tout-va. S’il fallait encore, après Laurent, confirmer, c’est chose faite et ce, sans tergiverser. Le groupe, en plus, n’est pas forcément campé sur ses bases noise. Non non non: See through, s’il bombarde après son introduction, voit celle-ci chatouiller les sphères psyché.
Allez, on pousse le volume. Et il en a, du volume, ce Sauvé salvateur. More, entre riffs tranchants et attaque fervente et mélodiquement puissante, impose lui aussi sa puissance pensée. Il se tempère, garde un arrière-plan vrillé, bastonne à nouveau. Bonissime. Authority, quasiment pop-folk, beau à en pleurer (ou pas loin), sensible, me donne raison: It It Anita, ce n’est pas un projet de bonshommes qui ne pensent qu’à démonter. Ils ont des vertus mélodiques et puis le chant, sur ce titre, me fait penser à un Thurston Moore dans ses plages intimistes. C’est dire si c’est bon! Passé ce temps superbement posé, Dixon Kentucky unit, comme souvent sur Sauvé, mélopées et traces noisy sauvages. L’alliage est parfait. Ca braille et ça susurre juste après, le retour victorieux se poursuit sans trembler. Les voix s’unissent, ça se termine dans un brouillon bruitiste « home made ». On n’est pas sorti de l’auberge rock’n’roll, Cucaracha sort du garage et balourde, sans prévenir, sa force de frappe démentielle. Sa cadence est vive, ses chants criants. Du bon, du très, très bon bouillon. Routine, dans la minute suivante, impose six minutes de chaos entre sauvagerie et finesse sous-tendue.
A chaque morceau, l’effet est monstre. Sauvé est une déferlante, aux eaux dirty qui savent se clarifier avec classe. Il arrive que l’on pense, en toute logique, à Sonic Youth pour les sonorités, pour l’ajustement savant entre retenue et débordement. Mais It It Anita ne doit rien à personne, son talent le rend entièrement autonome et personnalise ses différentes sorties. Sauvé pénètre les cerveaux au fur et à mesure qu’on en pousse l’écoute, MOEDOH le prolonge d’ailleurs au gré d’une montée en puissance ahurissante. Je ne trouve rien à redire, me voilà derechef parti pour une chronique acquise à la clique concernée. Qui, chez Vicious Circle, est bien loin de tourner en rond. Bref, l’horloge pointe déjà l’heure de fin. 53, sur plus de sept minutes subtiles autant que dynamitées, place à son tour sa progression vers des terres agitées. Une bourrasque terrible survient, digne du « early Sonic ». La messe est dite; Michaël Goffard, Damien Aresta, Bryan Hayart et Elliot Stassen, en maestros noise-rock insurpassables, signent là un Sauvé aux airs de dope sonore addictive et définitive.