De Requin Chagrin, le projet de Marion Brunetto, j’ai adoré le premier jet. Un album éponyme de rêve et de fougue, qui me fit un effet similaire au Mémoires vives de Grand Blanc. J’ai ensuite involontairement décroché, découvert, aussi, que la Dame officiait désormais sur le label de…Sirkis, KMS Disques. Mouvement de net recul, dans un premier temps. Puis souvenir d’une formation, hébergée par ce label, plutôt fiable (Toybloïd), ainsi que d’une compilation nommée Girls don’t cry, recensant douze groupes de filles rockeuses et ce, de manière concluante. Alors on y va, de toute façon j’aime cet univers rêveur, qui pour autant ne manque pas d’énergie, aux paroles qui, sans qu’on en soit tous à le reconnaitre, nous parlent. Requin Chagrin reste dreamy, aux bords du shoegaze; il poursuit son défrichage des territoires rock avec un certain bonheur. Il est difficile, quand retentit ce Première vague chargé d’ouvrir le bal, de résister à ses choeurs, à son énergie dream-pop, au chant de Marion qui rêvasse avec entrain. L’ennui, ici, n’a pas prise. Requin Chagrin t’attire dans ses filets, même ses synthés simplets (c’est à dire, dans mon jargon, bonissimes) exercent une attraction définitive (Déjà vu). Nuit B, aussi appuyé que le morceau « ouvreur », batterie galopante sur la bonne pente, séduit de manière aussi irrémédiable.
Il sera vain, on a d’ailleurs abandonné l’idée, de contester la valeur de ce Bye bye baby aguicheur sans oublier de se faire piquant, mélodique mais énergique. La recette a du bon, l’éponyme Bye bye baby gagne les coeurs par son côté léger/soutenu. Folk, pop, rythmé, il est à la fois rêve et douceur, brise et allant gagnant. Juno, à sa suite, aborde un terrain plus atmosphérique. Il conserve, malin, les atours songeurs dont Marion a le secret. Dont elle use, aussi, adroitement. Et sans lasser. C’est bien joli tout ça, on prend. Mais j’affiche pour ma part, de manière ouverte, une tendance à préférer le débridé. Fou, de ce fait, me convient davantage. L’alliance, dans l’excellence, de tambours directs et d’une écorce contemplative, aux guitares et synthés magnifiques, permet un disque majeur.
Alors Volage, au gré d’un thème lui aussi alerte, se permet l’inclusion dans la soute à réussites. Surfy, « dreaming » de manière pulsée, il se fait perle et Love, dans ses pas, ne dénote pas. Sa pop déliée, veloutée mais parée de ce je ne sais quoi qui fait qu’on capitule, nous met la main sur l’épaule. On lui emboîte donc le pas, « anyway » Requin Chagrin a gagné la partie. On retient ses morceaux, ici, aussi facilement qu’on boulotte un makroud. Perseldes en est un, acidulé. « Je t’emmènerai avec moi, sous le signe du chagrin », lance Marion. On y va, je suis partant et puis p+++++, il y a ces envolées presque noisy tellement jouissives. Bye bye baby, sous son titre aux allures d’adieu définitif, donne pourtant l’envie de rester en place, à l’écoute, fidèle à ces dix compositions devant lesquelles on fond.
Photo Andrea Montano.
La dernière d’entre elles, Roi du silence, déroule un tapis pop à nouveau avenant mais cacheté, stylé, en conclusion d’un « dikse » auquel on vouera un attachement inscrit dans le temps. Troisième album, troisième succès musical qui ne fait, par sa brillance, qu’entériner la touche Requin Chagrin. C’est bien assez, surtout après avoir à nouveau « checké » le parcours discographique de la formation visée, pour se persuader de manière irrévocable de l’impact de ses différents travaux scéniques et sillonés.