Songwriter parisien passé par le rock et le hardcore, avant de se mettre à la folk plurielle aussi finaude que noisy, Miles Oliver a bourlingué sévère. Ses tribulations l’ont amené à partager la scène avec Scout Niblett, Shannon Wright, Wovenhand, Troy Von Balthazar, Woods, King Dude, Be Forest, Fog Lake ou encore Francois Virot. Environs 230 concerts donnés aux Etats Unis, en France, Royaume-Uni, Belgique, Allemagne, Espagne, Suisse, République tchèque, Italie et Pologne lui ont permis se se roder. Et comme si tout ça ne pouvait suffire, il a sorti “Breathe” en 2014, « I Miss Boredom » en 2016 et « Color Me » en novembre 2018. Ce n’est pas tout! Auréolé d’une tournée aux Etats-Unis, il la met à profit pour écrire son livre « Between The Words« , qui retranscrit son périple ricain. La virée au pays de l’Oncle Sam lui inspire un quatrième album nommé « Between The Woods« , qu’il mixe et enregistre lui-même, en mode DIY total. Le bouquin, très certainement passionnant, et l’opus ne peuvent être dissociés. Le second met le premier en son et, poussé par une diversité et une intégrité de taille, s’avère être un bijou. Je ne vois pas comment le qualifier autrement. C’est la clé de voûte de ressentis profonds, purs et écorchés, auxquels il sert d’écrin sonique magistral.
C’est donc parti, Save me et son a capella blues-folk à nu renvoie d’emblée de l’intensité, remplit l’espace, pue la pureté. Il est trompeur, il pourrait faire croire à tout un tout de cet acabit mais 3/8 Tarot, suivant une trame folk vivace et ombragée, chantée avec classe, emprunte une autre voie. Il évoque l’ésotérisme, on notera d’ailleurs que l’éventail de thèmes liés à Between the woods vaut son pesant de réflexions. Demontia reste folk certes, mais animé, et parle de l’Amérique des aliénés. Oliver à tiré, de ses aventures outre-France, une matière qui sert l’intérêt de son effort. June 66, magiquement électrifié, souligne lui la perte d’un ami. Il vire noisy, reste merveilleux, pimpant, vrai. Impossible de rester de marbre, Between the woods dégage trop de vérité, de ressentis sans maquillage, pour déplaire et faire fuir. Stay With Me (on ne se fera pas prier), spatial et sans cadence, remplit à nouveau le vide. On touche, du doigt et des écoutilles, son émotion.
Dans l’élan, Lost And Found Room se met à rêver, avec finesse et délicatesse. Les histoires de vie narrées ici sont tout à la fois touchantes et intimes. The Song I Hate, qu’on adorera pourtant, file sur un sentier « dark-pop/folk » et célèbre la revanche des femmes contre leur oppresseur. Il s’emballe, fait du bruit. Sa cause est noble, son contenu sans appel. Last time lui fait suite, épuré, lo-fi de façon conforme à l’esprit qui anime Between the woods. Folk oui, car débarrassé de tout artifice, mais finalement bien plus ouvert, soniquement, que le strict cadre de ce courant, Miles Oliver dépose un album à son image. Façonné par ses tranches de vie, par sa vision de ce avec quoi il entre en résonnance, Between the woods mérite, au minimum, la reconnaissance de ceux qui fuient le rangé, le poli, le soumis aux règles commerciales. Myberdeen, au son d’une guitare folk alerte, illustre la complainte du fantôme de Kurt Cobain. Portland II allie le pur et le souillé, le lo-fi et l’immaculé.
La fin se profile alors; Road Is My Room, tout un symbole, s’appuie sur un tissu folk aux allures post-rock pour la draper d’une flanelle qui finit par s’obscurcir. Enfin, This Is A Lie termine l’épopée dans une tranquillité élaguée, portée avec mesure par un rythme effacé et quelques brèves souillures. Et ce chant, bluffant de sincérité, qui jette sur sur Between the woods un allégorie à la Troy Von Balthazar, en s’engouffrant d’ailleurs dans un champ musical qui tutoie celui du leader de Chokebore. Je terminerai là-dessus, pas sûr, de toute manière, qu’il existe d’argument plus tranchant pour vous persuader de la valeur des douze tires décrits en ces lignes.