Après un très magnétique Crux (janvier 2000), le duo grec Mechanimal revient déjà en nous servant un Θόρυβος (Noise) doté du même pouvoir de séduction, dans une trame changeante et cohérente et dans le refus d’opter pour une couleur musicale définitive. Angelica Vrettou et sa poésie tourmentée (lyrics, donc), récitée ici avec relief par Τhekla Tselepi (voix), se frottent aux trames de Giannis Papaioannou (Musique & machines) pour, à nouveau, dresser des édifices qu’on n’a pas fini d’escalader, amorcés par Κόκκινη η Ποίηση Τρέχει (Red the Poetry Flows). Une électro-cold susurrée, répétée, comme dans un rêve remuant. Henrik Meierkord: Cello on tracks 4, 6, 8; Dinos Zouberis: Electric bass on tracks 4, 8; George Magouras: Guitar on track 5 et Christos Avdelas: Acoustic & electric guitar on track 8 viennent étayer, en se faisant positivement remarquer, l’opus. Tout ça lui confère du cachet, Κοιτάζω τις Σκιές στους Τοίχους (I Look at the Shadows on the Walls) et sa cold-wave synthétique où le mot se fait à la fois grave et intime, en regorge d’ailleurs. Mechanimal, c’est un fait, possède une identité forte et marquante, bâtit des climats face auxquels on n’a pas d’autre choix que de s’y plonger. Entièrement, en s’y abandonnant. L’EBM crépusculaire de Εμπρός! (Go Ahead!) referme la trappe, dans une ambiance aux limites de l’inquiétant.
L’objet sort chez Inner Ear Records, c’est là un certificat de solidité qu’on ne peut mettre en doute. Συνήθιζαν Έξω της Οικίας μου (They Used To By my House), en épurant l’atmosphère, en la vidant de ses atours angoissants, amène une touche non négligeable. Sa narration posée injecte une sérénité obscure, étend le champ d’un album qui quoiqu’il en soit excelle et, sur ce titre, renvoie un ornement sobre et adouci. Avant que Τρέλα (Madness), bien plus cadencé, ne souffle une forme de cold-pop aussi légère que dreamy, souillée sans complètement se salir. Θόρυβος (Noise) n’est pas définissable et c’est l’une de ses forces; il voit Mechanimal, en tout cas, évoluer et renouveler sa capacité à capturer son public. Θαυμάσια που Είσαι Όταν Χορεύεις (How Marvellous You Are when You Dance), embelli par le violon, s’enferre dans un espace céleste, nébuleux, qui lui aussi rend l’auditeur captif. Le doigté musical, chez Mechanimal, est de taille et génère, régulièrement, des efforts de haute volée. L’éponyme Θόρυβος (Noise) en est, cela va sans dire. L’usage du Grec dans le chant réhausse encore le recueil, prenant au delà du souhaitable. Dans une grisaille aussi belle que bruitée, groovy, sur le dit morceau, et brute mais aussi amicale, Mechanimal affuble son Crux d’une suite magistrale.
En sa fin, les sept minutes psych/trip-hop de Είναι το Φάντασμα (It Is the Ghost) déploient un canevas lancinant, assombri. On y entend des sons quasiment folkloriques, le final dépayse et avance dans la magnificence, moucheté de sons à la hauteur de l’équipe en place et de ses multiples aptitudes. Il n’y a d’ailleurs, si l’on a encore besoin de se persuader de l’impact des sorties Inner Ear, qu’à suivre le lien ci-dessous: outre ce merveilleux Θόρυβος (Noise), vous y trouverez toute une enfilade d’albums accomplis, très souvent hors-champ, qui rassasieront vos désirs de registres décalés.
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