Trio masqué (avant l’heure donc) originaire de Manchester, Kong s’est rendu coupable, pour lancer sa carrière, d’un psychiatrique Snake magnet en 2009, chez les Anglais de Brew Records. Aujourd’hui, le génial label palois A Tant Rêver du Roi en assure la réédition et grand bien me fasse, moi qui ne connaissais pas le clan malgré mes nets penchants pour le son cinglé. La découverte m’en est offerte, je déterre donc neuf morceaux où noise, cris hystériques, basses grasses et guitare-silex, batterie affolée et chant à la David Yow en plus taré encore, un brin grungy, se fondent en un ensemble sacrément dérangé. Et loin d’être dérangeant pour celui qui, comme moi, affectionne les sorties de route et formats osés. Voix éraillée, errances sonores émaillent Leather penny, premier morceau qui déjà malmène notre santé mentale. Un uppercut saccadé, une trempe assénée par la batterie alors que basse et guitares ne pansent pas les plaies, occupées qu’elles sont à y verser du vitriol. Et, au delà de tout ça, un standard noise-grunge assez ébouriffant. Suivi d’un second plus « tempéré », Blood of a dove. D’obédience grunge, la chanson en question donnerait aisément du fil à retordre aux maîtres du genre. Son son sale, live et sans trop de polissage, servant l’intérêt d’un album sans courbettes de suceurs de quéquette.
Nih poursuit le trajet, captivant car truffé de qualités sonores. C’est une belle brique, encore, entre chant fou et oscillations rythmiques démentes. On y greffe des riffs massifs, crus. Une fois de plus, Kong frappe fort. Je comprends et approuve, au tiers de l’opus, la décision d’ ATRDR dont on ne vantera jamais assez la « judiciosité » des actions. Pour ceux qui oseraient émettre un doute, rendez-vous ici; vous en avez pour des heures et des heures d’orgasme sonique. Dans cette perspective, Gwant administre une nouvelle taloche, parce qu’on n’est pas là pour rouler des galoches. Bondissant, haché et tranchant, hurlant, il ne fait pas non plus dans la dentelle et vient se joindre aux réussites alignées par Kong. Good graphics prend sa relève, son début annonce semble t-il une nouvelle échappée fulgurante. Son introduction s’étend, grésille, laisse la batterie pulser et pose, presque, des airs psyché. Des « gazouillis » faits de sons façon jeux vidéo s’incrustent. Le morceau n’implose pas; ça ne l’empêche pas de faire, comme le reste de ce Snake magnet, dans la folie porteuse et créatrice.
Sport, un peu plus loin, marie groove (quelle basse!) et saccades, gronde vocalement et castagne avec ses tambours. On n’est jamais tranquille, sans cesse interpellé par une coffrée de sonorités impossibles à endiguer. Quand Wet your knives survient, on a même droit à des touches jazzy, assaillies par des vagues de folie façon No Means No. Tonitruant, Snake magnet bourrine avec intelligence, agresse en restant bruyant, certes, mais audible. A hint of rennit le montre bien, il rappellerait même Primus dans ses salves funky saignantes. Comme quoi, faire preuve de puissance, faire dans la dissonance ne gêne en rien l’ingéniosité du rendu. Kong est fort, forcené aussi: il excelle dans l’anormal. Il se permet, sur le finish, un pièce de plus de huit minutes, qu’il nomme Long. Sur son premier volet le final se répète, entêtant, psyché et céleste. Puis, débridé, il défouraille tout en demeurant répétitif. Ce faisant, il obsède et s’incruste dans la psyché de l’auditeur.
C’en est alors fini, on rompt, on plie devant la force de frappe pensée des mancuniens. Leur Snake magnet, pour un premier jet, en impose de bout en bout et parvient à allier inventivité, démence décisive et rudesse presque dansante, pour une issue capable de damer le pion à n’importe quel concurrent potentiel.