Après « Bleu acier » (octobre 2019), première belle surprise, les adeptes de « frenchwave » que sont Order 89 remettent le couvert avec « L’Été Des Corbeaux« . Entre temps le savoir-faire ne s’est pas dilué, loin de là et l’auditeur va pouvoir extraire le plus vif plaisir sensoriel, à nouveau, d’un registre où cold-wave, pop presque Dahoesque, approche organico-synthétique, électro froide et pincées new-wave dosées cohabitent dans une belle entente. Le long de dix titres bien enracinés, inaugurés par un 1000 visages tendu autant que mélodique, on s’entiche d’une collection qui, désormais, porte la touche Order 89. C’est, allié à la valeur des chansons, ce qui fait pencher la balance du bon côté. Plutôt que de suivre un courant, le recopiant sans relief ni apport personnel, Order 89 y met de lui-même. Il fait usage de synthés simples, bien bons (Rondes), se montre verbalement crédible. Ses climats retiennent, ses bourrasques l’amènent plus haut encore. Si le titre en question parait pop, il est aussi cold, parfois acide, orné avec un certain goût et sans surenchérir. Histoires parallèles, d’un début façon Joy Division dans les basses, évolue vers un post-punk de bonne teneur. Le recours à notre langue n’entrave rien; au contraire, il démontre que contrairement à ce qui peut se dire dans les milieux…hum… »avisés », celle-ci passe l’épreuve sans trembler.
Avec Gangster, cold également, rythmé et, parallèlement, spatial dans certaines sonorités, on enfonce le clou. Ca se vérifie, Order 89 est un clan capable d’enfiler les morceaux sans aucun raté. Les hommes talochent aussi de beaux airs, des mélodies qu’ils ont la bonne idée de placer sous un flux vigoureux. Vertige, de guitares maousse en pulsations de basse…cold -on ne se refait pas-, crache une romantique colère. Il y a chez ces artistes quelque chose de touchant, de sincère, de faussement naïf et c’est tout sauf un défaut, qui concourt à élever leurs efforts. Chez Icy Cold Records, on a bien fait de les abriter: aux côtés de gaillards tels que Je t’Aime ou Parking Dance, ou encore Blind Delon, la patrie est fort bien représentée. Ici la nuit, un mini-standard de plus, vient en faire flotter l’étendard plus vivement encore. Ses motifs jouent sur le Clair-Obscur (les majuscules sont voulues, seuls les VRAIS comprendront), son refrain risque par ailleurs d’en obséder plus d’un. Le coup gagnant de l’opus précédent est réédité, Order 89 gagne même en capacité à être lui. Vieux frère, touchant et grinçant, valide le constat et poussera lui aussi plus d’un « écoutant » à brailler son refrain. Un atout supplémentaire, par conséquent, à mettre à l’actif du groupe. Fédérer par le mot, autant que par le son.
On part alors à la chasse, la Chasse aux sorcières plus précisément. New-wave dark (darkwave? Je n’en sais fichtrement rien, c’est juste bon..), voilà une chanson cadencée de plus, qui voit le quatuor perdurer en qualité. Les nuits sauvages peuvent alors se présenter, on les vivra dans l’intensité. Leurs sons, à nouveau addictifs, fusent et créent un ombrage…nuptial. Pays sacrifiés, pour finir et en s’inscrivant entre synthés avenants et parties hérissées, entre allant et temps « retombés » aussi, borde L’Eté des Corbeaux en n’y laissant aucune plume. L’envol d’ Order 89 est définitif, s’il s’agissait d’asseoir un style alors l’affaire est rondement menée. Je ne feindrai pas la surprise, la performance était certes attendue. Mais son écoute répétée, visant à s’en abreuver pleinement, constitue une sacrée décharge de plaisir.