Alice Gift est né en Allemagne, a grandi sans père au milieu de femmes fortes en France, a fait sa première apparition à Berlin pour un rôle principal dans le blockbuster indiepunk « Saila » de Julia Ostertag en 2007. Le tout entre autres éléments d’un parcours déjà fourni, qui donne envie de se pencher sur son cas. C’est un transatlantique, qui suite à l’épopée vécue avec la bande-son du film culte B-Movie et ses anciens groupes Velvet Condom et Liste Noire, s’attaque à l’effort solo. Le Strasbourgeois désormais basé à Berlin, dont j’ai eu le contact avec le concours de l’inénarrable Emmanuel Hubaut des Tétines Noires, troussant pour l’occasion un Alles ist gift à la tendresse corrosive, étayé par dix morceaux traitant de sujets tels que l’anxiété, la peur, l’escroquerie de la droite qui écorne notre bleutée vision ou encore l’élitisme antisocial. Pour ce faire, il s’appuie sur des trames entre éclat et souffre, mélodiquement très attractives (Nudity), recourt à une électro discrète (Pygmalionne) qu’il enrobe dans des atours vaporeux un brin dreamy. Désireux d’installer une approche personnelle, il nous fait « Gift », pour débuter, d’un Eutopia qui fait dans la retenue pour ensuite « enfler », mélodieux, sensible mais aussi grinçant.
Photo Philipp Boegle.
C’est sur ces bases aussi peaufinées qu’abimées, dans une belle ambivalence, que l’album trouve son assise. Blue is not your colour, qui s’en prend aux connards de droite à l’esprit pourri, illustre ça dans une ferveur mélodique flamboyante. Dans une légèreté entrainante, aussi, qui frappe juste. Ceci dans un étayage synthétique sobre et faussement propre, que bien entendu un approuve. Trance park, fin et scintillant musicalement, justifiant ladite approbation. Ca tombe bien, Water sign love suinte une qualité mélodique similaire, le même type de mélancolie mouchetée d’espoir. Il est lui aussi enlevé, sans défauts aucun. On continue donc, alors qu’on en vient au mitan de l’opus, à lui accorder une attention soutenue. Glow, aussi subtil, pop dans ses airs, qu’offensif et versatile, le vaut bien. On y retrouve, avec plaisir, mélopées accrocheuses et étoffe sans trop de complaisance. Fatherland suit, il confirme que dans ses attitudes mélodiques brillantes Alice Gift n’oublie pas d’insérer du « sali » à la belle dégaine.
La recette lui réussit, elle permet un premier effort solo qui passera l’épreuve de l’exigence. Passé le Nudity et le Pygmalionne cités plus haut, Jeunesse dorée, en Français dans le texte, porte atteinte…aux « dorés », donc, que bon nombre d’entre nous rêvent de plonger dans la grisaille. Histoire de leur faire affronter, dans le vrai et sur le terrain, descendus de leur tour, la réalité du quotidien. Le temps qu’ils percutent, on en vient déjà à l’ultime chanson d’ Alles ist gift. Un Denial sombre et cordé, bridé, qui se pare toutefois d’embardées brèves mais souillées. Après Velvet Condom et Liste Noire donc, dont vous retrouverez les essais sur le Bandcamp de Cymbeline Records en même temps que la rondelle décrite en ces lignes, Alice Gift entame une aventure solo en affichant de réelles promesses, le long d’une dizaine de morceaux bien enveloppés.