A l’heure de la sortie de son nouvel EP, nommé « Mistaken » et fleurant bon les 90’s à guitares jubilatoires, JP Goulag répond à Will Dum….
1) Hello les lyonnais, d’où tirez-vous ce nom de JP Goulag ? Quelque chose à voir avec l’ex-URSS ? 🙂
Allan – Non, rien à voir avec Gorbatchev. C’est une longue histoire… A l’époque j’avais réalisé un clip pour un de mes précédents groupes et le scénario, c’était un dauphin et un hibou agents secrets (KGB maybe ? Da !) qui devaient tuer un mec dans une 207 coupée sport. Au milieu du clip, ils étaient appelés par un mec qu’on ne voyait pas et qui s’appelait JP Goulag. Dans mon esprit, c’était un peu comme Charlie dans « Charlie et ses drôles de dames ». Plus tard ce nom est resté et ce jusqu’à devenir celui du groupe.
Nico – Comme l’a dit Allan, il n’y a aucun rapport avec l’ex-URSS. J’ai proposé ce nom là en rigolant, car c’était en train de devenir une sorte de running gag entre nous et notre bande d’amis musiciens. En effet, quand Margaux Jaudinaud a réalisé le clip de « Forever Yours » pour Johnnie Carwash, elle y a intégré des éléments du clip dont parle Allan, notamment le dauphin et le hibou, ainsi qu’un téléphone portable sur lequel s’affiche le nom de « JP Goulag ». C’est parti d’une vanne et ça a fini par devenir quelque chose de sérieux, un peu à l’image de la création du groupe en lui même.
2) Comment s’est formé le groupe ? Y’a t-il des formations dans la scène lyonnaise, que je sais très fournie, qui ont influé sur la naissance du projet ou plus généralement sur ce que vous faites ?
Dylan – On se connaissait déjà avant la création de JP Goulag ! Allan jouait déjà du garage dans un groupe, Nico et moi avions un projet post-rock doom ensemble. On allait se voir en concert dès que possible, il y avait aussi Capturne et Johnnie Carwash pour ne citer qu’eux… Nos deux formations se sont dissoutes à peu près au même moment, c’est là qu’Allan a décidé de monter un nouveau groupe. Au départ on était quatre. Il y avait, en plus de nous trois, Louisa qui joue actuellement dans The Great Delusion et Kalassa. L’idée, c’était de faire un truc un peu shoegaze, et puis un jour on s’est retrouvé juste tous les trois à répéter et on s’est rendu compte que ça fonctionnait grave. Très rapidement, on a commencé à composer de nouveau morceaux, la suite vous la connaissez…
Allan – Je jouais souvent avec Nico et Dylan, mais on n’avait pas vraiment de groupe ou en tout cas pas grand chose n’aboutissait. Puis à la fin 2019, on avait des groupes chacun de notre côté qui étaient plutôt dans un style rock progressif et moi, je voulais faire quelque chose de plus garage et minimaliste. A l’époque j’étais très inspiré par un groupe de lyonnais du nom de Avions et leur album « Loner », et je voulais faire des morceaux un peu comme ça mais à ma sauce. Ça a tout de suite marché et la semaine d’après je venais avec 5 compos dont 4 constituaient notre premier EP. Pour ce qui est des influences lyonnaises, il y a beaucoup de bons groupes qui nous ont influencés indirectement. Johnnie Carwash déjà, avec qui nous sommes amis depuis un bout de temps et avec qui on jouait dans des appartements à une époque où nos groupes n’existaient pas, dans des restaurants comme le G, ou dans les caves de bars clandestins lyonnais où on nous offrait des consos gratuites si on jouait bien. Arche, qui étaient avec nous au Conservatoire à une époque où Arche ne s’appelait pas Arche.
Il y en a beaucoup que je ne connais pas personnellement mais que j’aime beaucoup, comme Sport par exemple. C’est un groupe de math-rock lyonnais qui s’est séparé en 2019 après 10 ans de tournées dans le monde entier. Dommage… J’écoute leurs morceaux très souvent, ils faisaient vraiment le café.
Nico – Pour ma part, je n’étais pas très familier avec la scène garage lyonnaise jusqu’à ce qu’on monte le groupe avec Allan et Dylan. Mis a part Johnnie Carwash qui sont des amis, je ne connaissais pas beaucoup d’autres formations lyonnaises dans cette scène là, mais j’ai appris à les connaître.
3) Quels sont les endroits et structures, dans votre ville, que vous recommanderiez ?
Dylan – Le Famer, Le Trokson, le Kraspek, le Transbordeur évidement, l’Épicerie Moderne et le Jack Jack même si ce n’est pas dans Lyon même.
Nico – Le Farmer pour sa programmation de qualité, et l’Épicerie Moderne pour la qualité du son.
Allan – Je ne sais pas quoi répondre. Je ne veux pas prendre parti pour un parti politique quelconque.
4) A votre sujet on peut lire, sur votre Bandcamp, les termes suivants : Garage Rock Totalitaire & Fuzz Sovietique, Based in Lyon (U.S.S.R.) ou encore Mur de son from Berlin. A quoi renvoie tout ça ? Trouvez-vous vos sources dans le vivier musical des 3 endroits nommés ? J’entends plutôt, à l’écoute, de bonnes effluves 90’s…
Allan – On ne savait pas trop quoi mettre, donc on a mêlé boutades sur le rock et l’ex URRS. Mais je ne sais pas si notre son est très berlinois même si j’adore Nick Cave ou encore le film « Leto ». Le seul rapport, c’est que Nico utilise comme fuzz une Russian Pickle, une copie de Big Muff soviétique (une remarque pour les connaisseurs). Les 3 viviers seraient plus Seattle pour le grunge, le midwest américain et Chicago pour toute la scène indie rock des années 90, et Lyon parce que c’est là qu’on est! Donc quand tu dis que tu entends des effluves très 90’s on te rejoint à 100% là-dessus !
Dylan – En ce qui me concerne, j’ai une très mauvaise culture des groupes russes et allemands et tu as totalement raison, c’est carrément dans les 90’s qu’on puise ; ça et d’autres trucs plus récents comme Nothing, The St Pierre Snake Invasion et j’en passe…
Nico – Comme l’a dit Allan, j’utilise une copie de Green Russian Big Muff qui comme son nom l’indique était fabriquée en Russie dans les années 90. Mis à part ça, on ne peut pas vraiment dire qu’on soit très influencé par la scène berlinoise de l’époque, bien qu’elle regorge de styles très variés aujourd’hui.
5) Votre second EP, « Mistaken », sortira le 19 mars. Comment s’est déroulé l’enregistrement ? N’est-ce pas un vif plaisir que de pouvoir sortir du son en ces temps de pandémie ?
Allan – L’enregistrement s’est déroulé comme le premier, c’est à dire en un weekend, en prise live et avec les moyens du bord (soit des micros bas de gamme) avec aux manettes notre ingé son Sébastien Roux (dit « le Wizard »), dans notre local de 10m² en plein mois d’août, enfermé sous 40 degrés. Une véritable épreuve. Ce qu’il faut tirer de cette période difficile (la pandémie mondiale), c’est qu’il faut apprécier les moindres plaisirs. Dans un deuxième temps notre EP était au chaud depuis août et cela faisait déjà un an qu’on n’avait rien sorti. On voulait avancer, continuer à tracer notre route. Il fallait qu’on sorte enfin cet EP pour passer à autre chose et avancer artistiquement.
Dylan – Pour rebondir sur ce que dit Allan, je dirais qu’enregistrer est toujours une épreuve, mais aussi un plaisir. Et puis peu importe les conditions, il s’agit de toujours se donner au maximum. Je trouve que ça reflète bien l’état d’esprit du groupe : faire le maximum avec le minimum.
Nico – Pour ma part, c’était la première fois que j’enregistrais des cœurs en studio et j’ai aussi assuré la plupart des deuxièmes guitares. C’est toujours un plaisir d’entrer en studio et d’en ressortir avec la satisfaction d’avoir accompli quelque chose. En attendant, on a hâte de pouvoir reprendre les concerts et partager notre musique avec le public.
6) La période actuelle a t-elle, d’ailleurs, pesé sur l’élaboration de l‘ep ?
Nico – En quelque sorte. Les phases de mix, de mastering et le tournage des clips ont pris pas mal de temps à cause du deuxième confinement et du couvre-feu, mais le fait qu’il n’y ait pas de concerts nous a permis de nous concentrer sur d’autres aspects du groupe, notamment tout le travail de communication et de promotion de l’EP.
Dylan – Elle a pesé, oui, au moment de la production. Mais elle ne nous a pas affectés, ou si peu, pour la composition. Je crois même qu’on tenait déjà certains de nos morceaux avant l’annonce du premier confinement.
7) Comment se sent-on quand on a finalisé un disque et qu’il faut en attendre la sortie ? Ne se trouve t-on pas entre impatience, crainte, fébrilité et tout un tas d’autres ressentis qui se télescopent ?
Allan – Pour ma part, je me sens apaisé. Les enregistrements d’abord, puis le mixage et ensuite le mastering. Après ça tu crois que c’est fini, mais il reste encore les clips. Je trouve ça long et éreintant physiquement et mentalement. Souvent je passe à autre chose, imaginer le prochain EP par exemple, pour enlever le poids de l’ancien. Mais à la fin quand tu prends du recul, et que tu écoutes et vois ce que tu as réussi à faire, tu es vraiment fier. Réaliser des contenus artistiques ambitieux, c’est difficile mais vraiment grisant !
Nico – En ce qui me concerne, j’essaie toujours de prendre le maximum de recul par rapport à ça et de me focaliser sur autre chose. On a hâte qu’il paraisse bien évidemment, mais je me dis toujours qu’une fois sorti, cet enregistrement ne nous appartiendra plus totalement. Les gens qui nous écoutent et qui l’écouteront vont se l’approprier et il sera temps pour nous de penser à la suite. A vrai dire, on y pense déjà…
Dylan – Je rejoins Allan et Nico sur ce point. Personnellement, je me sens soulagé parce que faire un EP c’est beaucoup de travail, étalé dans le temps. Pour moi il y a une vrai différence entre le moment ou tu imagines ton EP et celui où il sort. Ce genre de projet, ça demande de toujours penser à ce qui arrive après donc ton état d’esprit est toujours en décalage avec l’actualité. Au final, je suis grave fier de nous, j’ai hâte de remettre ça ! Moi, j’suis un peu comme un psychopathe : plus c’est gros plus ça m’excite ! Ahah !
8) Voyez-vous des différences, une évolution, entre Mishaps, qui date de mai 2020, et l’ep à venir ? Vous fixez-vous, avant de vos affairer à la sortie d’un disque, des objectifs précis ?
Allan – Il y a beaucoup de différences en effet. Pourtant nous n’avons pas changé de méthode par rapport à la dernière fois. Un enregistrement fait très rapidement (un week-end), avec peu de moyens et en prise live. Nous avons essayé, en concertation avec notre ingé son, de voir les erreurs et de les corriger afin d’arriver avec des compos plus complètes et abouties. Déjà rien que ça, ça fait la différence et ça s’entend !
Dylan – Des objectifs ? Bien sûr ! C’est primordial pour avancer. Mais ce n’est pas toujours évident d’identifier la marche à suivre pour s’améliorer, ou encore d’assumer ses défauts et jouer de ses points forts. Depuis le début, on bosse avec Sébastien Roux. En plus d’être un super pote, il est toujours de bon conseil et nous permet d’avoir ce recul si précieux.
Nico – On peut encore faire mieux bien évidemment, mais j’entends une nette différence entre Mishap et ce nouvel EP, et je sens qu’on avance dans la bonne direction.
9) Pour en revenir à Mishaps, qui est si je ne m’abuse votre premier EP, quel regard portez-vous sur celui-ci ? J’imagine qu’une toute première constitue un étape décisive dans la carrière d’un groupe…
Nico – On en est toujours très fier. Pour un premier EP auto-produit et composé en si peu de temps, on peut être fier du résultat. Forcément, il y a certains morceaux qui ne sont déjà plus dans le set avant même qu’on ait pu faire plus de concerts, mais il n’empêche qu’ils continueront de vivre grâce aux gens qui continuent d’écouter ce premier EP.
Allan – Nous avons un regard très fier car il y a vraiment des bons morceaux qui sonnent super comme « The Best Years Of Your Life (Are Over) » par exemple. Je ne suis pas quelqu’un de nostalgique. On a réalisé un super premier EP, mais je ne regarde pas trop ce que j’ai pu faire avant. J’essaie de comprendre les choses positives et négatives qui sortent de cette expérience afin de progresser.
Dylan – Pour moi, le fait de sortir un second EP lui donne encore plus de cachet. Perso je le trouve trop cool ! Rien que le fait d’en faire partie me rend fier. Je sais que tous ses petits défauts ont une histoire derrière, un peu comme un album photos de vacances entre potes.
10) Que proposerez-vous, une fois Mistaken sorti, pour le défendre ?
Nico – On espère pouvoir le défendre sur scène le plus rapidement possible, mais une chose est sûre: on va tout faire pour le faire vivre le plus longtemps possible jusqu’à notre prochaine sortie.
Dylan – C’est clair que ce serait le top de pouvoir montrer de quoi on est capable sur scène, d’autant qu’on a récemment eu l’occasion de peaufiner notre set en résidence. De toute façon on n’est pas du genre à rester sur nos acquis. On saura le défendre d’une manière ou d’une autre…
Allan – L’écouter en faisant son footing calmement sur la route de Memphis (c’est une proposition parmi tant d’autres.)
11) Vous en êtes à 2 ep, prévoyez-vous d’ores et déjà un album ?
Allan/Nico/Dylan – On prépare déjà la suite bien-sûr, mais il est un peu tôt pour en parler je pense. Ce ne sont pas les morceaux qui manquent, en tout cas… Ce qui est certain, c’est qu’on va essayer de faire encore mieux! Il va falloir être patient.
12) Pour finir, JP Goulag a t-il pour vous un effet « d’antidote » contre le monde actuel et ses dérives ?
Allan – On peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. D’un côté, ça fait du bien de pouvoir extérioriser toute cette tension sociale en musique. D’un autre, c’est vraiment frustrant de pas pouvoir faire de concerts et avoir un groupe de musique signifie être les victimes collatérales de quelque chose dont on n’a pas la maîtrise. Au final, les thèmes que j’évoque dans mes chansons sont le reflet de ce que je vois, mais l’art est au dessus des problèmes et des dérives. Il sublime tout, il est essentiel. C’est un rythme lent et léger sous le poids de nos sociétés trop rapides et compétitrices.
Nico – En ce qui me concerne, c’est toujours un plaisir d’aller répéter avec JP Goulag. Il y a des fois où c’est plus compliqué de se motiver à venir au local, surtout en cette période. Mais une fois sorti de répétition, on se sent bien.
Dylan – Je suis d’accord avec Allan. J’ai envie de laisser cette question en suspend. J’ai envie qu’on puisse se sentir libre d’y voir ou non un message. C’est pas vraiment à nous de donner la réponse. Et puis j’imagine que la musique que l’on compose n’a pas le même effet sur nous que sur notre auditoire. Mais je pense que le fait d’écrire cette musique a un effet apaisant sur nous, donc pourquoi pas pour les autres.
Photos JB Correges.