Constitué de Julien Desprez (direction, guitare, lumières), Jean Francois Riffaud (basse, lumières) et Max Andrzejewski (batterie, synth, lumières), Abacaxi pratique une musique à la fois stridente et funky, déclinée sur des morceaux de durée étalée. Mainstream desire en livre une version passionnante, exigeante, qui débute par les élans funky Primusiens du morceau éponyme. Ca groove dans la dissonance, ça riffe funk avec entrain et les brisures de rythme s’invitent ensuite. Entre temps, une pluie de sons obsédants se sera abattue sur l’auditoire. Une sorte de drone survient, chaotique, noir, faisant suite à un encart presque serein. Au premier abord, appréhender Cabaxi n’est pas aisé. Il faut s’imprégner, pousser l’écoute pour, au bout de la route, tout saisir de la mixture fumante du trio. Incomparable, aussi dansante que tranchante, sans âge ni origine précise. Art sonore, a t-on pu lire au sujet du clan: il y a de ça, mais on décèle surtout une identité marquée au fer rouge. Une volonté de déconstruire…pour mieux bâtir, pour mieux édifier son audacieux édifice. Il faut croire, après « exploration », que le procédé a du bon. Passé l’ouverture, guette en effet une seconde salve nommée Catfish. Une terminaison de…dix-neuf minutes, qui débute par une collision entre sonorités variées et improbables.
Ca pulse, ça noise, on place ça et là des embardées spatiales. C’est le tumulte, qu’on croirait « errant » mais dont Abacaxi tient fermement la barre, sur un océan sonore aux vagues déferlantes. Le groupe navigue, oscille, sur le bord d’un fil ténu. Ses motifs se répètent, ses guitares bruissent et sa rythmique affiche une souplesse, une versatilité aussi, qui nous emmènent là on ne pensait plus se voir catapulté. On entend du slap, l’orage bienfaisant aux bruits délirants reprend ses droits. Etourdissant, Abacaxi livre là deux efforts hors-cadre, en un tout que son appellation, Mainstream Desire donc, semble « contre-définir ». La batterie saccade, soudain c’est un déluge noise qui zèbre l’horizon. A la Sonic Youth, à certains égards, quand les mythiques New Yorkais achèvent leurs morceaux dans un crachin noisy ravageur. C’est Abacaxi, ça ne se catégorise surtout pas mais ça s’écoute, ça doit s’écouter, dans l’implication et de préférence à volume élevé. Histoire d’en faire émerger, de façon optimale, toute la sève et le jus sonique foutrement personnel, concocté par un gang aux idées étonnamment porteuses.