Anglais présentés comme des bêtes de scène définitives, les londoniens de Tankus the Henge sortent avec ce Luna Park leur troisième album. On y trouve, on y découvre pour ceusses qui ne connaitraient toujours pas -j’en suis et la trouvaille est prenable-, un mix de funk, de cuivres veloutés ou bondissants (Sundance Kid), où vernis 60’s, ragtime et rock se frayent un passage, le tout dans une « Anglitude » racée de bout en bout. Vocalement on entendrait un Blur, ailleurs un Blockheads et encore, je résume et quoiqu' »il en soit, Tankus the Henge vole de ses propres ailes. Luna Park est musicalement ouvert, il évoque par ailleurs un autre monde, utopique, face à la disparition des troquets, des salles de concerts remplacées par des chaînes de café, ou encore la gentrification. god, oil, money ouvre le bal, voix à la Dury et fanfare jouissive en bandoulière. Délié, placé au mitan des styles et époques, il rugit et séduit dans le même élan. On peut déceler, d’emblée, une personnalité certaine. Une touche « maison, que retranscrit fort bien ce Fayaway galopant. Horn-rock, à la puissance de feu doublée de mélodies éclatantes, il valide les éloges récoltés ça et là par le sextette. Emmené par un Jaz Delorean charismatique, celui-ci fait retomber la pression sur Glitterlung. Pour autant, il reste probant.
Passé ce temps doucereux et classieux, Back To You maintient une atmosphère ouatée sous-tendue, cependant, par un fond qui ne demande qu’à s’embraser. Il reste brumeux, cuivré de manière free, vocalement, encore, marquant. Tankus the Henge a le sens de l’ambiance, impose un rendu aux atouts nombreux et à la patte affirmée. Susie Sidewinder, dans une salve dépaysante où plane l’ombre d’un Tom Waits, marque plus clairement encore le territoire. Actifs depuis une dizaine d’années, les musiciens en ont visiblement profité pour bâtir, patiemment, à force de scènes mais aussi de créations studio, une masure sonore de grande classe. Qui rappelle, avec éclat, des noms qui font écho. Squeeze, Madness, les Pogues ou Blur, par exemple, ont été cités à leur endroit, de même que les Kinks de la première période. Dave Davies en personne n’a pas caché son engouement pour le son de la clique. Le fait est significatif, (Livin’ Like A) Pilgrim souffle un funk à l’énergie détendue. Le cool suinte de Luna Park, mais se niche aussi dans des encarts impactants.
Photo Sophie Hervet.
Quant aux cuivres, il fusent de partout, un peu tout-terrain. Souverains. Worries éradique l’inquiétude, son jazz un brin rétro scintille. Ses chants à l’unisson renvoient du cachet, tout comme son ornement. Derrière une apparente sagesse, Tankus the Henge fait le pitre. L’envolée cuivrée, doublée de chants qui vrillent puis redeviennent « sirupeux », vaut largement qu’on pousse le volume. The Only Thing That Passes Here Is Time, sur sept minutes qui marient le distingué vocal et la liberté de ton, la grandiloquence déviante et les temps dédiés à l’élégance, rafle la mise avec autant de force de persuasion. Glitterlung (reprise) dépasse à peine la minute, cosmique et ombrageux puis serti de notes claires. C’est l’apéritif, l’amuse-gueule avant la rafale qu’est l’éponyme Luna Park. Une tornade rock armée de cuivres puissants, d’un groove saccadé irrésistible. Un passage psyché fougueux s’incruste, suivi d’une tirée « cuivrifiée » avec vigueur et imagination. Le quasi-final, puisqu’il ne restera plus qu’un morceau ensuite, est de haute volée.
C’est donc Staying On This Side Of The Dirt, lui aussi plutôt alerte, très British et « bellot », qui termine l’affaire. Entrainant, convaincant, il lie jazz, pop et rock, fait convoler les chants. Ses guitares piquent, s’emballent, sa batterie matraque. Impressionnante, la fin de Luna Park lui fait grimper un barreau en plus, et poser le pied sur le toit. Facile, et sans fléchissement. Ils sont forts ces Anglais, avec leur mixture à la trogne de fusion haute en couleurs, inspirée et jubilatoire. Des « la-la-la » accompagnent l’issue pour l’embellir encore, on en reste là mais c’est une certitude, il faudra compter avec Tankus the Henge et sa zik bien à lui, signée d’un groupe où personne n’est là pour bouffer la tarte et n’en rien laisser aux autres.