Déjà distingué en ces lignes pour son excellent Lazy people will destroy you (février 2020), Raskolnikov « from Genève » nous fait don d’un album live, enregistré à la Mottattom, dans cette même ville, en septembre 2020. Un cadeau de choix donc, au vu de la période actuelle, qui a de plus le mérite de retranscrire fidèlement, avec la rage des planches et peut-être bien la colère face aux circonstances, l’intensité que peut renvoyer le trio. Quentin Allamand – Guitar, Jérôme Blum – Drums et Mathieu Pawełski-Szpiechowycz – Bass guitar and vocals, au gré d’un registre cold et post-punk valorisé par des morceaux établis, débutent fort et livrent leur Sold dead souls, qui fait suite à un introduction synthétique aérienne. D’emblée, le timbre de voix, les guitares typées, une rythmique campée et des effluves célestes créditent le trio. Sur scène il n’est pas en peine, en atteste Stockholm 2 qui, basse cold en avant, offre une trame à la New Order des plus fréquentables. Chez Raskolnikov, on est certes sombre mais la lumière, de temps à autre, peut filtrer. Faut pas faire chier Albert Roche, entre crachin sonique et pointes mélodiques, complète un opus qui fait qu’on ne mourra pas d’ennui ce jour. Au contraire, le registre rend vivant, suscite des sensations, éveille un froid et pourtant vif enthousiasme. Sisyphos, traçant et acéré, exacerbe celui-ci.
Raskolnikov, s’il opte pour le dur, convainc. Dans ses élans plus tempérés, l’effet est similaire. No safety word, noisy et « bassement » délectable de par ses inflexions à la The Cure, vrombit et assied l’aisance live de nos amis Suisses. Pas des petits ceux-là, plutôt du genre à tout faire sans faillir. Montaulk Point lighthouse en est la preuve, alerte et impétueux. On a la science, dans cette formation, du détail sonore qui tue, du gimmick qui amène le petit plus. Don’t want to see the doctor today, d’un mid-tempo où le climat se grise et la voix hurle, en remet une cuillerée. Ca n’est jamais trop, on a besoin en ces temps de disette musicale d’entendre du costaud. C’est chose faite, Stockholm 1 et sa lenteur prenante, en prenant son temps, présente une facette nettement plus atmosphérique. La boucle est bouclée…ou presque. En effet, deux bonus suivent et Nieporządek, le premier de ceux-ci, crache une nervosité qu’on approuvera. Du puissant, rapide, sans ratures ni fioritures. Le supplément est bon, son second, nommé Make madness proud to take us, ne l’est pas moins.
Subtil, presque pop ou plutôt cold-pop, il délivre à la fois grâce instrumentale et prestance vocale, sensibilité et froideur certaine dans sa clarté car tout de même, il ne s’agit pas non plus de gazouiller. Raskolnikov, pour sa troisième galette depuis Hochmut kommt vor dem Fall en octobre 2017, révèle des progrès significatifs, valide ses qualités, dont on n’a jamais douté, et allège une période âpre, par le biais de dix compositions fiables et racées.
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