Duo « surprising », Turfu unit Matthieu Souchet à la batterie et aux synthés (LoG, XAMAN, Science Fiction) et Raphaël Decoster à l’accordéon (Zlabya, Kate and Raphael). L’un vient de l’école du jazz et de l’électro, l’autre a écumé les bals européens. On les retrouve donc, dans une formule inédite, à nous jouer une Astrale Nouba dépaysante, techno, sombre-enjouée et « de village » ou encore « de club », où trônent quelques invités venant colorer de leur patte un registre entièrement neuf. Kate Young par exemple, sur l’éponyme et irrésistible Astrale Nouba, pose son timbre façon Natacha Atlas. Ca embarque de suite ailleurs et sur le titre en question, les deux comparses offrent de plus une trame virevoltante, teintée de chant traditionnel Bulgare. Superbe réussite, à la fois world et rurale mais avec l’esprit « rave de patelin » qui fait du projet une entité sans équivalent. Il faut rentrer dedans, j’en conviens. C’est pas de l’habituel. Mais déjà Poney club, en amorce, nous désarçonne. Les gimmicks de l’accordéon, la frappe du drummer et ses boucles à l’origine inconnue fusionnent en un tout qui dérouillera les épines dorsales. Le percussionniste Gino Groeneveld (Altın Gün tout de même, Jungle by night) est de la partie, sa cadence n’admet aucun temps mort.
C’est alors parti, Fazer amor a des airs de guinguette technoïde jouée sous speed. Turfu, Turfuiste, invente une sorte de Futur. Dans la même minute il galvanise un style, la techno, aux schémas habituellement répétitifs. Try to tell me, doté de chant et ce, de manière assénée, obsédante, se hisse à son tour vers les hauteurs. Break, puis échappée d’accordéon imparable. On peut faire la fête, désormais, sur des sons moins cons. Turfu peut fédérer, il rallie d’ailleurs l’antan et le moderne avec une dose impressionnante de créativité. Cercle (feat Pierre Tereygeol, de Leila Martial et Xaman, à la guitare) s’emporte, redescend. Les sons en pluie, à nouveau, imposent leur nouveauté. Mettez-nous ça, plutôt qu’un Etienne de Crécy, pour clore les festivals. Back to Belgica, sur la voie rapide telle celle que les deux gaillards de La Jungle empruntent allègrement, y fera un malheur. L’entrelac de sons, ici aussi, fait son effet. La réitération, pour le coup, ne fait pas ch+++. Singulière, elle s’impose d’elle-même.
Plus loin, on a ce I love you baby à la saccade bien amenée. On finit par ne plus savoir, dans cette densité qui parfois appuie sur la pédale de frein, mais sans s’y attarder, d’où provient chaque son joué. Enfin si, mais l’unité est telle que c’est bien elle qu’on retient avant toute chose, de même que la singularité du rendu. Des voix arrivent, oh bordel c’est encore mieux! Avec du chant, je le prétends souvent, le carnet de route a plus fière allure encore. Ca me fait rien ton truc (tu rigoles ou quoi??), en bout de course, fait pourtant quelque chose et ce, sur plus de huit minutes. Il tabasse, prend un break et laisse filtrer des voix de beauf géniales. Occasionnelles, mais géniales. On est tout retourné, l’Astrale Nouba finit en trombe et Turfu, novateur, place une attaque retro-moderne qui risque fort, sur son disque et plus encore en live, de faire sourire et transpirer la jeunesse de France.