Blood Wizard est le projet de Cai Burns, leader du groupe punk Kagoule issu de Nottingham. Ses airs plutôt folks, brillants dans leur ténèbres mesurés, l’en distinguent clairement et font qu’ici, Burns s’émancipe et trouve sa propre approche, née de bribes de chansons étant devenues, avec le temps, de véritables joyaux. Western Spaghetti en est donc l’illustration, superbe. Sans Kagoule ni cagoule, donc, le bonhomme avance à nu, se livre, ouvre son livre de vie et nous bricole un opus qui, au bout de deux écoutes, génère déjà l’addiction. Finaud, évoquant la recherche fructueuse d’un Beck, il persuade d’emblée, en jouant un Breaking heaven aussi fin qu’enlevé, doté d’incursions brèves et caractérielles. Un début magnifique, délié et pourtant entrainant. Alliance des chants et timbre vocal remarquable, légèrement Lou Reedien, sur Halo, agrémentent une amorce au sommet. On note encore, des incartades soniquement malpolies, bienvenues. Le tout sur un ton lancinant, sans hâte, à l’émotion perceptible. C’est beau, aussi amical qu’offensif quand le fond s’enhardit.
Fruit, sur un tempo saccadé, impose sa coolitude communicative. Magnifique dans ses chants, à nouveau, associés, il dévoile une trame folk pleine de vie, au motifs décisifs. Là aussi, on souille l’ouvrage avec à propos et sans en écorner la magie. Mother’s illusion suit, aérien. On est bien. Et voilà que reviennent, comme une caresse, ces voix de fille allant de pair avec l’organe de Burns. On est plus que bien, finalement. Un peu aux anges. Western Spaghetti est une bien belle offrande, de nature à sublimer la folk sans pour autant s’y limiter, loin sen faut. Total Depravity, folk lo-fi racé et animé, n’infirmera pas mes propos. Fougueux, hérissé tout en demeurant lascif, il me donne raison et crédite son auteur. Lequel, en marge de Kagoule, déploie ici tout ce qu’il faut pour durer et s’affirmer. Avec, comme atout principal, un cachet personnel affirmé.
C’est ce qu’exprime d’ailleurs One smile too many, lo-fi également, dopé au bruit dont on s’éprend. Et, sur le plan vocal, bluffant d’impact. Le tout parait, de plus, avoir été fait sans complexité, en suivant des voies détournées, mais de manière modérée, sans que l’orientation prise soit par trop déroutante. L’énergie de Carcrash, puis son break en transition avant le retour d’une vigueur salutaire, folk-rock ou pop-folk et diablement revigorante, confirmant sans coup férir. Qu’il est bon, ce Blood Wizard! Ses tracks ensoleillent le quotidien, lui projettent aussi ombre scintillante et salissures bien amenées. La diction de Bob’s big arms, une fois de plus « Reediene », est par ailleurs d’une portée incontestable. Qu’il se fasse vif ou opte pour un cheminement détendu, Cai Burns fait mouche et séduit en tous points.
On chantonne, enfin Burns chantonne et nous avec, quand arrive Somehow I Knew. Folk toujours, mais en même temps, tellement hors-champ lorsque l’Anglais dissémine sons lo-fi, vocaux purs et sincérité confondante. Un enchantement. Tout a cependant une fin, quand la rencontre est aussi concluante c’est un rien fâcheux mais qu’importe: The gloom finit le boulot en s’envolant doucement, « taché » » par des sonorités derechef déviantes. L’enrobage est splendide, il menace d’imploser, s’en tient malgré ça à des airs avenants. Le bonheur est alors total, Blood Wizard démarre sur les chapeaux de roue une aventure qu’on ne peut que lui souhaiter longue et prolifique. Et que Western Spaghetti, d’emblée, gratifie d’une pièce majeure et grisante à souhait.