Ohtis vient de Los Angeles, s’inscrit dans une mouvance folk-indé et fut acclamé à la sortie de son « debut album » Curve of Earth, en mars 2019, chez Full Time Hobby. Avec ce deux titres magnifique, la route se poursuit de la plus belle des manières et marque, de plus, l’arrivée du groupe chez Saddle Creek. Une paire de morceaux à se repasser maladivement, donc, scellent l’événement. Sam Swinson, songwriter doué au parcours chaotique, aborde dans le première chanson, ce Schatze (feat. Stef Chura) qui hante ma semaine, l’égoïsme de l’homme antisocial. Prenant visiblement source dans son vécu, le titre convoque Stef donc, de chez…Saddle Creek également (dont le Midnight fut produit par Will Toledo, aka Car Seat Headrest), et relate un dialogue homme-femme savoureux. Une perle ultime, gavée de synthés spatiaux, de gimmicks qui foutent la chair de poule, de guitares qui picotent. Et ces paroles, diantre! Ces timbres de voix marquants, qui se répondent et se reprochent. Je les fredonne, obsédé, comme possédé. L’essai est pop-rock, griffu et mélodique, engageant et excitant, doux aussi. Tel un caramel qui colle aux dents, voilà un effort qui n’est pas prêt de quitter les caboches.
Trois minutes d’extase plus tard, puisque c’est l’exacte durée de ce loukoum/makroud à se lécher les babines, on a face à nous une seconde chanson bien plus folk, à l’occasion de laquelle Sam évoque sa personne dans l’attente des résultats d’un test STD. Failure, donc. Un aveu? Sûrement. Toujours est-il qu’on croit d’abord, en toute logique, à un effort folk paisible, au déroulé qui, sans se presser et dans la plus grande douceur enveloppante, nous emmènera au terme de Schatze b/w Failure. Mais non, ç’aurait été trop facile. Et convenu. Alors on met, dans cette pièce majeure, une « salissure » resplendissante, bordée de cordes, semble t-il, mais bruitiste et un brin shoegaze. Tout ça dans l’élégance, avant que les tons folk légèrement countrysants ne reviennent pour mettre fin au morceau.
On aurait pu craindre, après l’entrée en matière, que la suite peine à se hisser sur les mêmes branches, tout là-haut. C’était compter sans le brio d’Ohtis, de son leader et ses deux hommes de main et d’une Stef Chura pétillante, à la voix un brin hautaine et mutine et, à l’arrivée, magique. Irrémédiablement féminine. Schatze b/w Failure, s’il ne compte que deux « petites » chansons, livre autant de réussites aux facettes différentes mais à l’effet similaire: l’envie, plus forte que tout, de jouer et rejouer ce 7″ ensorcelant.