Grive, c’est le « dream-slow core band » d’Agnès Gayraud (La Féline) et Paul Régimbeau (Mondkopf). Une union surprenante donc, ce qui fait qu’on lui accorde tout notre intérêt teinté de curiosité et l’écoute de Grive EP, première sortie des deux nouveaux complices musicaux, démontre que le projet promet. Rappelons à ce sujet que les deux intervenants ont déjà oeuvré ensemble, auparavant, sur des chansons ou remixes. Sorti en K7, l’EP a été enregistré dans un ancien souvent de Saint-Erme, en Picardie qui est aussi ma région de résidence. Sur les armoiries du petit village figurait une grive et la coloration des morceaux est saisissante, le bien nommé Cold et son trip-hop neurasthéniquo-angélique, dans un premier temps, générant une attraction que des trainées sulfureuses contribuent à optimiser. Agnès chante en Anglais, avec délicatesse et le fond se fissure lentement sans toutefois imploser, sous l’égide bien sûr d’un Paul largement à son affaire. Cold est beau, typé early 80’s et pourrait évoquer, par instants, la magie d’un Cocteau Twins ou d’un Dead Can Dance sans, toutefois, leur devoir quoi que ce soit.
La chanson permet, en tout cas, un envol qui retient l’attention. Et même plus. Il y a là du cachet, une identité marquée. On le vérifie quand émerge Kingdom, lente trame qui vite se boursoufle, se fait rugissante, se pare de guitares dures et de chants qui envoutent, pour un résultat encore une fois dénué de défauts. Se dégage de Grive EP, affublé d’une jolie pochette où l’on remarque l’écrit « This road never ends », une ambiance dans laquelle on aspire à se réfugier. Burger shack, premier single de Grive, livrant la voix de sirène de la Dame aux souillures un tantinet « dreamy » de l’élément masculin. L’alliance est porteuse, on en aime, aussi, les incartades jonchées d’aspérités. On n’est pas chez Mondkpof, pas plus chez La Féline. C’est Grive qui, sûre d’elle, vole de ses propres ailes et déploie ses propres textures. Coal mine, sur près de huit minutes, jetant un ombrage inquiétant, moucheté de sons imaginatifs, qui pour une dernière fois ensorcèle.
Entre chant-songe, ample et délié, et déluge sonore à la Régimbeau, nourri et opaque, l’harmonie est parfaite. D’un genre qu’on ne cherchera pas à nommer, Grive nous refile là un superbe effort, orageux, d’une certaine majesté aussi, où s’illustrent aussi Franck Garcia et Jean-Michel Pirès (sur Cold) à la batterie. Alors que l’artiste Hélène Paris s’est chargée de l’artwork, lui aussi magnifique. Agnès, à la guitare, se distingue dans un registre inusuel; chacun, dans ce cadre, se décale de son champ original et c’est bien nous, auditeurs comblés, qui tirons profit d’un « debut EP » qui, je l’espère, annonce et valide Grive en tant qu’entité durable, appelée, donc, à nous gratifier d’autres sorties aux effets similaires.