Attendu pour le 19 de ce mois de février, Monument Ordinaire marque le retour de Rebeka Warrior et Carla Pallone, plus de cinq ans après un Corpo Inferno qui voyait les deux dames insister, avec succès, sur la voie d’une électro poétique, personnelle, aux multiples atours. Un univers bien à elles, que la scène transcende et optimise. J’en veux pour preuve le superbe set livré à la Lune des Pirates d’Amiens, en avril 2016, qui nous plongea tous autant que nous fumes dans un état d’extase totale, comme hypnotisés. Avec cette nouvelle livraison, Carla et Rebeka n’entendent pas…entendre raison. Si leurs contours restent, la plupart du temps, feutrés, l’album est aussi jalonné par des morceaux plus acidulés. Ca offre un équilibre qui crédite ce Monument Ordinaire bien moins ordinaire qu’il n’y parait, que L’Acqua Fresca présente dans une ouate aux légers soubresauts. Le minimalisme propre au projet perdure, on s’envole tout en sachant bien que ça et là, quelques envolées « home made » auront le pouvoir de nous tirer de notre torpeur. Ni morte ni connue, d’ailleurs, va en ce sens. Aux confins du sombre et du lumineux, il offre une pulsion plus marquée, se donne des airs exotiques par l’usage de l’Italien. La patte Mansfield.TYA est plus que jamais présente, le violon de Carla part dans une magique embardée. Auf wiedersehen, au texte remarquable -c’est une constante chez ces deux filles-, vaut par ses gimmicks répétés, son aptitude à s’emballer et ses spirales vocales envoûtantes.
Au fil de l’exploration, le disque devient d’ailleurs de plus en plus immersif. Tempête, obscur, nous régale de ces sonorités qui, depuis ses débuts, créditent le duo. On y recourt, ici, de manière fréquente mais jamais trop insistante. Entre verbe qui se tient, décor de choix et abords qui refusent de se figer, on gravit, titre après titre, le chemin vers les sommets. Les Filles Mortes (feat. FanXoa) virevolte, met en exergue les penchants poétiques de Mansfield.TYA. L’organe de l’invité apporte un plus, Petite Italie, ensuite, revient à un format posé, dépouillé, exempt de rythme. L’option m’emballe moins mais le constat reste valable: il y a dans cette paire une identité forte, qui la place à part et la rend précieuse.
Le parfum des vautours, orchestral, est lui aussi tranquille, doté de mots élevés. C’est avec Soir Après Soir, passé à l’éther de sons brumeux, qu’on redécolle. Monument Ordinaire, je m’en rends compte après écoute(S) et la majuscule est voulue, est le genre d’album auquel, ostensiblement, on revient. Ses climats attirent, ses paroles font songer. Odezenne intervient sur Le couteau, la dualité des voix y est de marque. Au point de se dispenser, ou presque, de tout habillage. Mais ça retombe, quelque peu; j’attends, en aficionado du son dérangé, l’élan perturbé, l’incartade qui, ajoutée à l’opus, le hissera au delà de l’espéré. La Montagne Magique, inquiétante et dotée de percus marquées, s’en rapproche et excelle. C’est à mon sens là, dans sa déviance ouverte, dans son « pur-impur », que Mansfield.TYA est à sa vraie place ou tout au moins, dans son élément le plus porteur. Odezenne revient pour étoffer Une Danse De Mauvais Goût, bien plus prudent. Ce qui n’empêche que son trip-hop paresseux, ses voix unies, se montrent plutôt accueillants.
Photo Théo Mercier & Erwan Fichou.
Ca ronronne toutefois sans rien, loin s’en faut, concéder en qualité. Mais Le Sang Dans Mes Veines, cold et dark, décuple les sensations. A la fois lourd et orageux, céleste et lancinant, il explore la facette obscure, tourmentée, du groupe. Je me dis alors qu’un album entier de cette trempe aurait du chien, de l’allure, et dérouterait…positivement. La piste est à creuser, pour l’heure il n’en reste pas moins que Monument Ordinaire, de par la valeur de ses compositions et le panel des émotions générées, accroît la personnalité d’une entité à laquelle il existe peu d’équivalents, qui signe là un retour de très bonne facture, dont on attend désormais avec une patience contrainte la traduction live.
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