Chanteur et guitariste de blues, Norvégien, Bjørn Berge a pour particularité de jouer seul, remplaçant les percussions en tapant du pied et pratiquant comme s’il était doté d’une main supplémentaire. Sur ce nouvel opus, Heavy Gauge, il est pourtant épaulé par deux acolytes (Kjetil Ulland à la basse, Kim Christer Hylland à la batterie), ce qui a pour conséquence dd donner du coffre à son registre. Il a, en plus, la bonne idée de varier ses compositions, de les faire transiter par plusieurs genres au carrefour desquels se trouve son blues de prédilection. The wrangler man, pour lancer avec vivacité cet opus qualitatif, exhalant un folk-blues cadencé, entrainant, que l’organe du Nordique recouvre avec style et « rauquitude ». Un début idéal, agrémenté d’un solo qui n’en dit pas trop, fatal. Un morceau fervent, à l’attaque décidée. Qui se voit suivi d’ A matter of time, nettement plus posé, joué avec autant de dextérité. On sent un trio délié, libre de ton, de nature à accomplir tout ce qu’il tente. Ici aussi, la petite intervention qui va bien, technique sans flambe aucune, fait la différence. Dans ses tons bourrus, Berge fait gicler de la joie, avec ses « na-na-na » guillerets. Bound to ramble suit, son chant de crooner ténébreux l’avantage. On entend presque, en l’occurrence, les doigts de l’artiste glisser sur son manche. Nul besoin de faire dans le boucan pour se mettre en évidence, on touche au but dans la mesure, au gré d’un jeu passionné.
I got it made, alerte, swingue et suinte le western. Sa voix typée se frotte à une trame instrumentale qui, si elle se veut subtile, fait preuve d’énergie. Magnifique. On pressent le sans-fautes, la guitare se livre de nouveau à une embardée de la meilleure graine. Rip off, à l’instar des Red Hot des débuts, ceux qui faisaient les fous et balourdaient sans crier gare un funk teigneux-trépidant, trace sans freiner, ou si peu, et groove de A à Z. La vigueur monte d’un cran, on breake modérément. La vitesse d’exécution demeure, simplement Bjørn Berge, ici, flamboie en virant funky-furieux, presque « gitan » par instants. Son jeu est large, brillant et sans exagération. On peut retomber sur Stray dog, pièce folk fine dans l’ornement et rocailleuse dans les vocaux. Le morceau, intense, trouve sa place sans forcer. Alone again, leste, interprété avec autant de prestance que le reste, secoue le cocotier. Il en tombe un superbe rendu, percutant, qui énergise Heavy Gauge tout en le complétant avec beaucoup de pertinence. On n’ose imaginer, dotée d’électricité, les ravages que la chanson aurait occasionnés. Il n’empêche: même sous cette forme, elle castagne et convainc de suite.
Photo Edgar G.Bachel
On passe ensuite à Coliseum, aux confins du hip-hop dans le chant. Il y a du Beck là-dedans, soudain le morceau se fait funky, rude et dansant. On n’a pas fini, ce disque rutilant, d’en faire sonner les moindres recoins. Sa fin arrive, sous la forme d’un Bottle floats qui touche au jazz et m’évoque Tom Waits, allez savoir pourquoi. Les motifs discrets de la guitare se couplent à un chant expressif, derechef éraillé. Damned!, le truc est splendide. Je le concède sans difficultés; je connaissais peu, très peu, Bjørn Berge avant de recevoir son Heavy Gauge éblouissant, dont les notes et lignes de chant font reluire mon début de soirée et m’affublent d’une trouvaille, car c’en est une, dont il importe de visiter séance tenante la pimpante discographie.
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