La première fois que j’ai vu Slim Paul, c’était au Rock en Stock d’Etaples (62), en 2016, avec ses incroyables Scarecrow et leur alliage de blues, rap et rock du meilleur cru. Le grand homme, vocalement et guitaristiquement impressionnant, y fit sensation. Scarecrow n’étant plus -on perd là une formation innovante et galvanisante-, le toulousain ayant sévèrement bourlingué s’attaque à une carrière solo déjà ponctuée, en avril 2018, d’un Dead already probant. Et voilà que Good for You, nouvel opus guidé par l’espoir et par l’amour mais aussi, et surtout, par un talent que les multiples scènes et efforts groupaux ou collaborations du Sieur Paul ont amené à son zénith, voit le jour. Blues bien sûr, folk et rock, patine roots et chant racé, Slim Paul et ses deux acolytes jettent tout ça dans le brasier, dont ils attisent ou atténuent les flammes avec maestria, au gré de leurs orientations musicales. Le patchwork est ajusté, harmonicisé (In the shadow) avec ferveur et passion, passé au filtre d’un bottleneck agile. When you keep on groovin, étincelant début où inflexions gospel et voix unies font un malheur, le tout sous le joug d’une musicalité magique, donne le la. Spread the love souffle un blues à la fois subtil et clinquant, à l’éclat instrumental remarquable que des cuivres réchauffent.
Photo Jesse Overman
That line, entre vêture folk et chant éraillé d’une portée étendue, brille par ses notes claires, son décor bien dosé. Du colérique au filet de voix sensible, Good for you, en effet, est bon pour nous. De bout en bout. Amazing you se fend de saccades funky, s’acère, se fait brut dans sa splendeur. Chez Slim Paul, on sait jouer mais on se la joue pas. Le rythme court, le titre s’achève dans un galop percutant. In the shadow lui fait suite et pond un blues d’époque, qu’on sent prêt à rugir. Rugueux mais finaud, à la parfaite croisée des tendances, pour un rendu au delà des tendances. L’opportunisme, c’est pas le genre de la maison. On est trop vrai pour ça. Slim Paul glaviote ses rages, ses démons et ceux de sa génération, il dispose pour ça du plus beau des écrins. Good is gonna come, se plait-il à augurer; faux, il est déjà là. Il a pour nom Good for You, le morceau en question envoie une pureté folk-blues aérienne et animée qui a pour effet de le faire reluire.
Plus loin, bouillonne l’intense Bury me deep. Il débute tranquillement, dans un ressenti que de beaux motifs éclairent. Mais bien vite, la tempête fait péter ses premiers éclairs. La batterie castagne, pourtant la chanson reste élégante. Avant que, subitement mais de manière attendue, le fracas sonore ne prenne place. En alternance, judicieuse, avec un fond avenant. Le dérapage est à peine jugulé, on se met à peine à pommader nos bosses qu’ Everybody knows nous impose sa majesté. Facétieux, il implose, ensuite, littéralement. Il retrouve pourtant ses belles fripes, il est fait de tripes et administre un sacré coup d’trique. Voilà le passage enfiévré de l’album, imprenable. Dear neighbor peut ensuite retomber, il n’en est pas moins convaincant. On est pas bien là?, comme dirait l’autre dans Les Valseuses. On valse oui, pour sûr, en se laissant embarquer par une douzaine d’airs prenants. Dont l’intime, sur ce Log dog blues raffiné, soutenu par un tempo discret mais présent, touche au coeur.
Si on prend en compte une fin d’album qui se tient tout aussi bien, partant de Tess and I et sa folk jouée avec passion, il va sans dire qu’on a à nouveau, pour optimiser nos jours, toute la matière nécessaire. There will be no dawn, dans un bel ombrage de fin, amorçant la descente en visitant les sphères, sans tapage, avec délicatesse et implication. Ecouté et approuvé, Good for You voit le trio enchainer avec brio, validant dans le même mouvement sa discographie en essor et les nombreuses vertus nées du parcours d’un Slim Paul au meilleur de sa forme, flanqué de deux complices fiables en diable.