Aalborg rassemble des membres d’Untitled With Drums, Birmingham et Niandra Lades. Il a pour but de faire cohabiter les sons lourds dont les musiciens ont l’habitude avec des airs plus légers, plus « pop », que leurs projets antérieurs ne leur ont pas encore permis d’explorer. Avec cette entité donc, le rapprochement s’opère. And this is how…, premier album d’Aalborg naviguant entre post-métal et mélopées prenantes, en est un reflet de qualité « maison »; on pense tout à la fois, lorsqu’on l’explore, à Codeine ou Built to Spill. Mathieu S. (guitare, voix), Nicolas P. (batterie, claviers), Rémy D. (guitare) et Martin L.B. (basse, chant) créent ainsi un style personnel, innovent et évoluent sans se trahir. A Ghost Made of Ashes, entre ombrage et finesse d’un post-rock animé, voit les clermontois grimper sur le toit. Chant sensible et joliment ténébreux, climats à la June of 44, déchirures dues à des guitares drues et lancinance du morceau créent déjà la surprise. C’est beau, ça regorge de savoir-faire. Velvet water, outre un bel intitulé, marie lui aussi à merveille, et sur une durée plus étendue, motifs merveilleux et voix sensitive. La majesté du morceau s’entoure d’élans plus crus.
Saint Sand Star se montre ensuite griffu, saccadé. Dans son parti-pris d’allier les écorces, Aalborg étonne par son aisance. Il exalte, a certes du caractère mais sait, dans le même temps, pétiller de douceur « poppy » dans le sens déviant du terme, sans le sirupeux qui parfois et chez certains fait obstacle au rendu final. Grace, bien nommé, finit par s’envoler, lentement. Fin et impétueux, il assied la dextérité du quatuor auvergnant. De temps à autres volcanique (hum…), celui-ci maîtrise ses coulées de lave, se tempère, au bord du gouffre…sonore. Sur le titre concerné, les guitares zèbrent la palette. Wind wakers suit, hypnotique comme (la) Codeine. Dans un premier temps toutefois, avant d’y aller de ses brefs et efficients coups de semonce. Alors que Space ribbon, plus directement post en son début, l’imite au terme de son introduction. Le tout sous couvert, encore, d’un chant racé.
Quelques instants de trouble contemplatif plus loin, The Body Became the Messenger réitère l’alternance, récurrente mais jamais outrancière, entre plans célestes et coups de canif soniques. L’amalgame est abouti, rudoie ses mélodies. Aalborg et son patronyme de ville danoise exigent bien entendu un certain investissement; le répertoire conçu ici ne se livre pas de prime abord. Il est nécessaire d’y revenir, de s’en imprégner derechef, pour en tirer un profit maximal et optimal. En guise de dernier jet And This is How…, éponyme donc, fait scintiller son instrumental en laissant la batterie le secouer, sans trop de rudesse. L’opus peut déstabiliser, il fait montre d’audace et ne chemine aucunement en terrain usuel. C’est ce qui en fait, à l’arrivée, tout le charme et le pouvoir de fascination. Il parcourt un spectre musical et émotionnel large, sincère et bien dressé.
On placera donc ce disque, passé l’effort d’adaptation, dans le pièce des belles trouvailles hexagonales, de style et sans faux-semblants, impactantes et dotées d’atmosphères imaginatives. Sa mélancolie, passée au filtre d’atours versatiles, se propage jusqu’en nous, suscitant une vague de sentiments de nature à renforcer l’accroche inhérente à ce And this is how… de bon augure pour la suite des travaux d’Aalborg. Si tant est que le groupe se considère, on l’en approuverait, comme un projet à inscrire dans la durée, d’un importance égale à celle que peuvent avoir les groupes d’origine de ses talentueux membres.
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