Chez La Face Cachée, disquaire messin immanquable, on met un point d’honneur à s’adonner à de multiples et louables activités, ceci sous différents étendards: : soutien à la scène locale (Les Disques de la Face Cachée), réédition du patrimoine progressif français (Replica Records) et du domaine public (Primitiv’ Sounds), éditions limitées et beaux objets (musiques avant-gardistes avec 213 Records, J-music et inclassables avec Specific Recordings) ou encore collection des grands classiques du blues (Night Records, en collaboration avec le dessinateur Jean-Luc Navette). Sous l’égide du dernier nommé, c’est cette fois Leadbelly qui est à l’honneur avec Easy Rider, dont les morceaux s’étendent de 1935 à 1949. Une compilation « old blues » authentique à souhait, qui nous ramène aux origines du dit genre et aligne une « seizaine » de morceaux typés. Un plaisir non dissimulé. See see rider, pour débuter, jouant un folk-blues de classe, exécuté sans pareil par l’homme qui puise le désespoir de ses textes dans ses expériences carcérales. Pourtant, derrière ce désenchantement, point l’espoir ou tout au moins, une forme d’enjouement. Black snake moan, dans la même étoffe sobre, s’ajoutant à une liste dont beaucoup de morceaux ont depuis été repris, preuve de l’influence du bonhomme sur les dernières décennies musicales.
On trouve par exemple Black Betty, déjà excellent, où voix et rythme discret suffisent à engendrer une complainte prenante. Le cachet rétro des chansons en accentue la préciosité, la diction du bonhomme (Bourgeois blues) et son jeu sans artifices font mouche. Bowie ou Nirvana, pour faire -très- court, se réclament de l’influence du musicien noir dont la redécouverte, qui plus est remastérisée, constitue un temps à part, une bouffée d’intemporel. Si en queue de peloton figure le légendaire Where did you sleep last night, d’un folk mélancolique, on dénombre aussi House of the rising sun, joué avec un peu plus d’entrain mais coloré, lui aussi, d’accents cafardeux. Tout ça affuble Easy Rider d’un charme supplémentaire.Mr Hitler est bien entendu vindicatif, Leadbelly avait la langue bien pendue et n’hésitait pas à tailler vertement les « dérangeants ». Ecouté à volume élevé, dans son joli vinyle noir 180 g tiré à 500 exemplaires et remasterisé par Julien Louvet (Replica Records), Easy Rider fera son effet. Peu rodé à l’exercice, j’entends par là celui de remettre sur sillon le son d’antan, j’apprécie grandement l’expérience.
Il y a de plus, dans la guitare de notre homme, de la vie. Du sentiment, du ressenti, à l’image de ce que renvoient ses vocaux. On n’est pas dans la tricherie, encore moins dans le déploiement de moyens faramineux. Le vrai et le juste priment, Goodnight Irene est magnifique. L’harmonica de Oh Monday, country et incitant à la danse, apporte une jolie touche. L’écoute se fait vinyle en main, car l’objet est beau et l’idée, une fois de plus, à saluer. Gallis pole voit l’instrumentation s’emballer: la palette, bien que minimale, est intense et ouverte. Avec une réédition simultanée et tout aussi incontournable, celle de Son House avec Walking Blues, nous tenons là de quoi nous replonger dans une époque fondatrice, en tirant profit de créations typées et conçues avec passion.