LNZNDRF, c’est les frères Scott et Bryan Devendorf (The National), Ben Lanz (Beirut, The National) et le multi instrumentiste Aaron Arntz (Grizzly Bear, Beirut), rassemblés dans la quête d’une épopée kraut. II est leur second opus, enregistré lors de longues sessions de jam chamanique au studio Public Hi-Fi, à Austin, en septembre 2019. Dans un format, en effet, kraut et cosmique, ou secoué, il propose huit titres de choix. The xeric steppe, premier d’une enfilade qui emmène son peuple dans l’ailleurs, débute de manière paisible. Spatial et brumeux, il émerge lentement puis s’acoquine, lancé dans un galop appuyé. Cap vers les hauteurs, au son de motifs répétés. Un registre, je ne m’en plaindrai pas, radicalement différent de ce à quoi les intervenants s’escriment dans leurs projets d’origine respectifs. Durée aidant, fulgurances itou, le morceau s’incruste dans les trognes. Brace yourself, doté lui de chant, appréciable, se met en évidence sur une voie moins directe, plus hachée. L’effet, néanmoins, est le même. Il plaira. Transe et planance, zébrures caractérielles, au fil du disque, l’affublent d’une bonne note. Les choeurs, sur ce titre, l’embellissent.
Le plaisir est donc de mise là où, compte tenu des provenances de chacun, on aurait pu craindre une suite de plages douces au léger ennui. You still rip se pare de délicatesse, certes, mais pose un trip immersif plutôt alerte, à la voix songeuse mais aussi assurée. On a droit, dans II, à des mélodies qui nous passent la main dans le dos. Ca ne gâche pas l’affaire, menée avec aplomb et sans jamais se vautrer dans la mélasse. On s’attache à l’album, assez abouti pour nous garder une place dans ses déviances. Assez osé, aussi, pour ne pas souffrir d’un excès de prévisibilité. Cascade, d’abord haut perché, s’anime dans la lenteur, se fait plus grinçant. Sa dynamique tranche avec le reste, sans l’écorner. Il me fait penser, à l’instar de la plupart des morceaux de II, à nos Yeti Lane préférés. Qui, eux aussi, réussissent leur coup quel que soit leur mode opératoire.
Chicxulub, au moment d’amorcer la face B, renoue avec l’allant qui, ici, domine les débats. On aime ça, ces flux débités sans les juguler. Ou si peu. Pour le coup, ça cingle bien. On ne fait pas l’uniforme, quand bien même les plans tendent à se réitérer (ce qui, en l’occurrence, constitue un atout). Ringwoodite, saccadé et rêveur dans son chant, s’excite autant qu’il se fait sucré. Des breaks surviennent. Bien bâti, II continue à se faire accrocheur. Gaskiers « robotise » ses vocaux; l’idée, si elle n’étonne pas outre-mesure, permet au projet de poursuivre avec succès son entreprise de conquête d’un public rompu aux joutes kraut. Des éléments électroniques complètent le tableau, sans démesure.
Stowaway, à la fin du chemin, sonne, presque comme une oeuvre dream-pop. Psyché également, et versatile car finalement, il hausse le rythme et conserve des notes claires. Le tout avec maîtrise, en prenant même un virage acide et débridé sur son terme. Mes doutes de départ se sont dissipés, LNZNDRF affiche une constance et un niveau élevés. Son II débouche sur univers accueillant, mais aussi déviant et puissant, où il fait bon errer et se laisser porter.