Déjà souligné, en ces lignes, par la chronique de son Treat/Brilliant, EP 7′ datant de 1994 et récemment réédité par Atypeek Music, One Arm effectue son « vrai » retour en nous choyant, cette fois, de façon plus durable. En effet, c’est sur la durée d’un album que Laure (vox & lyrics, bass, sounds – guitar on ‘Space’ & ‘Virgule’), Dilip (drums, sounds – keyboards on ‘ESG’ & ‘Virgule’), Rico (bass & effects – oud on ‘ESG’) et Marine (electronic drums), au son d’un rock que douze titres catapultent vers les sphères d’une étrangeté magnifique, se distinguent. Real, parce qu’après tout, c’est ce qu’ils sont: vrais, pose d’emblée son bruitisme entêtant aux voix prises dans un rêve, pour sans plus attendre créditer la clique. On est partis pour du costaud, aux fréquentes sorties de sentier. ESG, dont l’intitulé ne m’étonne guère, suit une voie cosmique, entrainante, et ne se qualifie pas. On tourne le dos, chez One Arm, à la convention. C’est là, dans le sinueux, qu’on est sur son terrain de jeu favori. On pourrait dire post-punk, cold aussi, psyché, songeur, bruyant mais aussi sensible. C’est One Arm, il te tend les, pardon le bras. Le spatial Space is the place (to be, à n’en pas douter), psychotrope, doté de sons rugueux greffés à sa trame douce-amère, fait décoller tout l’monde. Notons que Little Annie (kosmic vocals), Pierre Alex Sigmoon (kloudy bass) et DEF (kooky keyboards) y interviennent, contribuant à le percher bien haut.
On est bien, à l’abri de la norme. Le trip se savoure au gré de morceaux de bravoure et d’audace, renforcés par Figure et sa planerie dépaysante. Pas question de redescendre, les lentes syncopes du morceau nous maintiennent en lévitation. Des voix cinématographiques s’invitent, mazette!, on est partout à la fois avec ces quatre trublions! Fiddle, rude et répété dans le chant, renvoie de l’exotisme et instaure une lancinance délicieuse, bardée de coups de semonce. City, où Realaskvague (kool keyboards) y va de sa partition, joue un rock’n’roll qui groove et percute, grince et serpente. Un régal, placé au mitan d’un disque dont il va falloir, urgemment, vanter les mérites ici et là. Il y a de plus, sur cette rondelle, un effet de réitération, dans les chants et sonorités, qui rend accroc. Le produit est (mal)sain, l’abus est conseillé. B.O., entre chants d’ailleurs et mélopée un brin dépaysante, nous en reverse une timbale. Change, avec sa voix dans une langue que je ne parviens pas à identifier, se dirige vers des contrées, à nouveau, inconnues et merveilleuses. On embarque d’autant plus volontiers qu’il change d’humeur, et de cadence, à l’envi. A chacun de ses titres, One Arm défie le prévisible. Hitch se fait noisy, place des saccades psychiatriques. Soniquement schizophrène, One Arm refuse le soin. Dans sa démence, il est à sa place.
Top tone, sur plus de sept minutes, marie sons indus, vocaux divers et loufoques et guitares dures. Une fois de plus, on a droit à des sons qui dérangent l’ordre (non) établi. Le genre, chez One Arm, n’existe pas. Le quatuor erre…vers ses propres terres. Step 3, dans l’élan, emprunte un chemin détourné. Exubérant, susurré, bruyant et psychédélique, il slalome entre ces tendances, les imbrique adroitement. Le néophyte devra s’accrocher, l’initié, lui, bouffera tout le gâteau. Virgule, trépidant, barré dans le cosmos, lui servira de digestif. Jusqu’à l’enivrement, jusqu’à la perte de contrôle et l’oubli de soi. Le tout servi par une pluie de sons dont One Arm a le secret, qu’on lui conseille de ne dévoiler à quiconque. Au bout du bout, Mysore Pak nous initie à une virée phénoménale et risque fort, s’il récolte les lauriers censés lui revenir, de perturber la hiérarchie musicale un peu trop rangée de nos contrées. Excellente cuvée, dont l’assimilation peut, je n’en disconviens pas, exiger plusieurs auditions avant de se laisser dompter.
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