Duo norvégien, Årabrot enquille les bons disques depuis 2005 et Proposing A Pact With Jesus. Kjetil “Tall Man” Nernes et Karin “Dark Diva” Park y oeuvrent communément, Norwegian Gothic les amène aux abords de la dixième parution et tient, selon Kjetil, en un amalgame de tout ce que le projet a pu produire jusqu’alors. Entre le mysticisme, l’identité forte et la force de frappe d’un Swans ou d’un Wovenhand, le nouvel album ne manque ni de puissance, ni de force d’évocation. Généreux (seize titres magistralement campés le font briller), il fait suite à l’ep The world must be destroyed et me révèle un projet qui se situera, en ce qui me concerne, bien au delà de l’estimable. Carnival of love attaque fort, il breake et le chant masculin prend place, crooner et autoritaire. Entre tempête et instants célestes, surtout vocalement, Årabrot impose sa texture et récidive avec The rule of silence, doté de la même force pensée. Lars Horntveth (Jaga Jazzist), le violoncelliste Jo Quail, Tomas Järmyr (Motorpsycho), Anders Møller (Turbonegro, Ulver) et Massimo Pupillo (Zu) sont de la partie, sur l’album, et ça s’entend; leurs décors affublent Norwegian Gothic de superbes vêtures. Feel it on et ses secousses racées, ses voix encore une fois plurielles, qu’elle soient haineuses, sensibles, veloutées ou plus dures, puis The lie, valident la valeur des morceaux proposés. Le « Gothic » de l’intitulé se retrouve dans une forme de noirceur appliquée aux chansons, toutes impactantes.
The crows se corde, joliment. Il ne manque cependant pas de nerf, Årabrot se montrant à son aise quand il prend le parti de mêler les options. Kinks of the heart laisse sa batterie galoper, se fend comme d’autres de sonorités fines et resplendissantes, ceci sans aucun excès. Hailstones for rain riffe cru, ses vocaux évoquent Nick Cave quand il sombre dans le sulfureux ou le vénéneux. Norwegian Gothic est un disque possédé et possessif, passionnant. Hallucinational se passe de rythme, marie voix -celle de Karin, en l’occurence- et fond nappé de cordes, inquiétant autant que magique.
Le panel est varié, sans se disperser. (This Is) The Night crache sa colère, durcit ouvertement le ton. Au fil des titres, Norwegian Gothic se rapproche du titre et gagne en accroche au point de rafler la mise avant même son terme. Hard love fait preuve, c’est une constante chez Årabrot, de beauté dans sa dureté. Il dépayse, en plus de consolider l’assise de l’opus. Unis à la ville, ou plutôt à l’église puisqu’ils l’occupent en tant que domicile, Kjetil et Karin assemblent aussi leurs chants, pour un rendu au dessus de la mêlée. Hounds of heaven voit l’élément masculin frotter son chant, puissant, à des abords de la même graine. Deadlock amène notre homme à flirter, à nouveau, avec la flamboyance vocale menaçante du sieur Cave. Derrière, des sons bien trouvés achèvent toute résistance chez l’auditeur, suivis de guitares assassines. On en vient à la fin mais ce n’est rien, Årabrot nous fait don d’un disque magnifique. The moon is dead, sur plus de sept minutes, pose des bases psyché torturées que des cuivres embellissent. C’est du grand art, déviant et ébouriffant. J’en profite pour glisser dans mon écrit, histoire de vous faire pleinement profiter de ces deux nordiques, ce petit rappel vers l’ep en prélude à l’album:
Vous l’aurez compris, celui-ci vaut également le détour. Mais revenons à nos moutons: il revient donc ici à You’re not that special, court et cosmique, de finir. Il est bref mais assez marquant pour affirmer, au bout d’un tout complètement enivrant, aux allures de drogue sonore bienfaisante et salvatrice, l’excellence d’Årabrot et de ce Norwegian Gothic imparable, le neuvième d’une série de haute volée. Årabrot formant une paire, ouverte à l’autre et au faire-avec, dont je vous conseille séance tenante le découverte de l’intégralité des ouvrages.