Très prolifique, notamment depuis le début de l’ère virus qu’il nous aide efficacement, via ses titres et remixes à la pelle et de qualité « maison, » à traverser, Arnaud Rebotini se fend en cette fin janvier d’un EP, Shiny Black Leather. Un manifeste où quatre titres dark, souterrains, laissent EBM et électro-goth fusionner dès que le rythme catapulté du titre éponyme retentit, histoire d’enfoncer le clou sans plus attendre. Un Shiny black leather, donc, de plus de six minutes, qui nous plonge dans les entrailles ténébreuses d’un univers captivant. On retrouve, avec grand plaisir, la voix de crooner obscur d’Arnaud. Ses boucles déferlent, à nouveau et comme toujours prenantes en diable. Notre homme susurre puis libère son organe, il crie comme s’il cherchait à s’extraire de la noirceur. Mais elle lui va bien, comme un gant à vrai dire. Son groove récurrent nous est précieux. Familier même, depuis que l’artiste s’affaire pour inlassablement nous satisfaire. Sur ce premier jet, la tension ne se relâche que peu ou prou. Last Train To Krasnodar file dans la nuit, j’y entends les énormes Maman Küsters dans ces crachins -bretons en ce qui les concerne- de sons obsédants.
Les formats s’étendent, cette fois on outrepasse les sept minutes. Ca n’embarrasse personne, le sieur Rebotini a de toute façon le don de nous faire danser et opiner du chef. Des sons semblables à des scratches s’invitent dans le morceau, qui y va aussi de quelques parties plus claires. Il en fuse de douces effluves 80’s, What do you want me to do se présente ensuite et scande pour notre vive jubilation. Ici et à nouveau, des sons de folie s’échappent du tunnel. Sombres et acides, ils se greffent aux trames réitérées d’un musicien qui a déjà fait sensation, jusqu’alors, avec ses parutions digitales hebdomadaires en illustration de son ressenti covidien. Il étire le plaisir, on l’imagine d’ores et déjà penché sur la suite de cet EP à jouer fort et d’une traite. Un must, comme attendu.
Sur quatre plages donc, c’est une sans faute -une habitude- que le gominé au statut de référence indéboulonnable réalise. En dernier lieu, The Glove And The Whip sort, de sa besace, les mêmes atouts. Son chant, « goth », semble peiner à émerger. Il n’en a que plus de portée encore. Voilà une chanson dont les motifs légers paraissent nous emmener au bout de la nuit, crever l’obscur pour se faire jour. On approuve, pour la énième fois, l’ouvrage qui parait sur le label allemand Mannequin Records, « spreading cold waves since 2008 » comme le dit son Bandcamp, avec succès et sans cligner de l’oeil vers le mainstream. Non. Là-bas, c’est cold-wave et post-punk, c’est électro illuminée, c’est de l’expérimental passionnant et azimuté. C’est tout ce qu’on veut sauf de la drouille, et on s’en met plein les fouilles, sans retenue. Nul étonnement, dès lors, à y retrouver un Rebotini, aux côtés par exemple des excellentissimes Police des moeurs, ou encore de Bourbonese Qualk avec son Prepare For Power de haute volée.
J’arrête là, la liste est longue et je tiens à ne pas m’écarter du sujet du soir, à savoir ce Shiny Black Leather porté par des mains expertes. On a de la chance, en France et dans de telles circonstances, de compter dans nos rangs un homme de cette trempe, performant en solo comme lorsqu’il convie ses semblables. On n’a pas fini, c’est un fait avéré, de se purger et se régénérer à l’écoute de ses nombreuses « releases », dont celle en présence représente bien entendu une étape de tout premier ordre.
Photos: Jacob Khrist.