Trio basé à Manchester, Virginia Wing joue une synth-pop aux facettes variées, qui prend ici une tonalité plus « percutante » que sur son disque précédent. private LIFE, le nouvel opus, se montre en effet assez agité, dépaysant et « saxophonisé », à l’occasion (99 North), pour qu’on en tire de nombreux bons moments au moment de coiffer le casque. Alice Merida Richards (vocals, bass, sampler, synth), Sam Pillay (guitar, synth, sampler) et Sebastian Truskolaski (drums) cousent des trames qui virevoltent, visitent les genres et font pleuvoir des sons qui balancent du sombre au rêveur en passant par le dépaysant. C’est bien bon à écouter, les secousses rêveuses mais alertes d’ I’m Holding Out For Something inaugurent d’ailleurs l’album sous de bons auspices. Moon Turn Tides et ses sonorités presque orientalisantes, ses tambours entêtants, sa voix songeuse enfantent à leur tour un style inclassable. On y entend plusieurs courants, on se laisse facilement porter par la touche d’exotisme qui orne le morceau. Virginia Wing a de plus le mérite de ne pas sombrer, comme le font à tort certains autres, dans le sirupeux à outrance. Au contraire, le registre pousse les murs de l’étroitesse d’esprit, il est rythmiquement marqué et porteur de climats ingénieux. Soft Fruit reflète bien ça, ses boucles le font par ailleurs s’envoler. Les samples sont imaginatifs, on imagine bien ces trois là en bricoleurs inlassables, dans la quête de sons novateurs.
Avec 99 North on se met à danser, ailleurs que depuis notre socle habituel. Le sax colore joliment l’effort. Ses atours jazzy animés, et chants typés, le réhaussent. Virginia Wing est ouvert, dans les sons comme dans les climats créés. Return To View marie vapeur de l’atmosphère et relief du chant. On se trouve quelque part entre dream-pop, trip-hop et électro spatiale. Le mix est bien ficelé, à chaque chanson correspondent immanquablement des abords attractifs. St. Francis Fountain débute dans le rêverie, puis s’agite singulièrement. L’identité est telle qu’on ne reconnait plus vraiment, en passant l’opus en revue, qui fait quoi, précisément, dans l’instrumentation. Virginia Wing, vraisemblablement, est une véritable entité, où chacun à son mot à dire et son apport à offrir, au service du collectif et de la création visée. Private Life, le titre éponyme donc, vire quasiment psyché sur ses premières notes. Il le demeure, mais dure trop peu pour convaincre.
A la suite, Half Mourning ondule et déracine l’auditeur. Les samples font merveille, comme chez un Soul Coughing mais d’une manière légèrement moins déjantée. Il n’en reste pas moins que private LIFE tient ses promesses. Il refuse l’immobilisme, le trop-plein de conformisme aussi. Lucky Coin avance dans la brume, flou et narratif. Puis son rythme s’affirme, à l’unisson avec des vocaux entre songe et présence plus marquée. Le disque est de choix, s’extirpe judicieusement de ses penchants au céleste pour imposer ses élans fiévreux. OBW Saints livre des plans cold, couplés à des scories r’n’b. Le rendu continue à se distinguer, incontestablement. Peut-être pourrait-il, toutefois, se faire plus endiablé encore. I Know About These Things lui met fin, plutôt paisiblement. Chant(s) et motifs sonores sont ses seuls oripeaux.
Au final, Virginia Wing laisse dans son sillage un album qualitatif, porté par des sons imaginatifs et des textures qui le créditent. On l’aimerait plus « fou » encore, le groupe est visiblement affairé à creuser un sillon osé qu’on espère donc retrouver, plus étendu encore, sur les sorties à venir. Dans l’attente, s’offre à nous ce private LIFE assez accompli pour nous garantir un bon temps musical, éloigné du trop attendu donc digne d’intérêt.