Londonien, TV Priest sort avec ce Uppers son premier album. Chez Sub Pop, comme à la parade. On y déblatère comme un Mark E.Smith, on y convoque la tension d’un Idles, sa rage aussi, et nous voilà partis pour un déboulonnage en règle, au son de douze titres furieux. Mais qui, de temps à autres, retombent avec à propos. The big curve, entre basse ronde et riffs crus, au chant manches retroussées, se charge de nous gifler, de suite. Griffu, il offre une entrée en matière convaincante. On reste dans la cavalcade avec le post-punk de Press gang, on y met une pincée de finesse et d’encarts cold. La voix, de son côté, reste vindicative. Le morceau explose, d’un coup, pour nous sauter à la gorge. Le rendu reste simple, accessible; ça le rend d’autant plus impactant. Ses guitares rugissent. Digne arrivant sur le label qui jadis abrita Nirvana, TV Priest enchaine avec un Leg room qui crache un venin à la Nick Cave ère Grinderman. S’il retient, souvent, ses élans, TV Priest libère bien vite son énergie, juteuse et imparable. On y file droit, rares sont les méandres. Le son est ramassé, très live. On ne fait pas semblant, on joue. Intensément. Sans se planquer, sans artifice non plus. Journal of a plague year sert des sons froids, répète ses plans jusqu’à posséder nos esprits.
Quand il s’affine, TV Priest reste au sommet. On n’est d’ailleurs jamais, loin de là, dans la ouate. On tempère un peu, tout en affichant un penchant remarqué pour la morsure sonique. Sur la chanson en question, quelques sonorités dépaysent. History week, ensuite, débute spatialement. On guette l’orage, mais l’atmosphère reste à la fois troublée et sereine. Decoration, dans la foulée, s’en remet à une trame leste. La mélodie est présente, brute mais belle. Slideshow fonce et glisse, se fait noisy. Les Anglais alignent les titres forts, percutants, sans tronçonner aveuglément. Leur place chez Sub Pop n’est visiblement pas volée. Fathers and sons, insidieux, groove en se bridant légèrement. Toujours sous tension, le clan demeure crédible. A aucun moment, son registre faiblit. C’est un réel plaisir que d’écouter Uppers, debut album achevé. The ref sert d’interlude, court et peu marquant. Mais Powers of ten, après des premiers instants dans l’entre-deux, développe un canevas saccadé qui fait la différence.
On n’a que du bon, sur l’album, à se mettre sous la dent. Une montée en puissance arrive, en résulte une bourrasque noisy de bon aloi. Sans forcer, sans en rajouter, TV Priest assure de bout en bout. This island lorgne côté post-punk mâtiné de kraut-rock, dans une certaine urgence. Ses sons légers se greffent à d’autres, plus offensifs. La qualité est constante. On n’ira pas, à ces gars-là, chercher des poux dans la tête. Ils livrent un sans fautes, pilonnent comme il se doit et placent des airs avenants mais jamais trop polis. On apprécie, on se prend au jeu sans décrocher. Ca serait stupide, pour une fois que la valeur perdure, de s’en aller vaquer à autre chose.
En fin de course, Saintless parait se faire pop, mélodieux. C’est ce que laisse présager son amorce. Mais sous le joug de la rythmique, il s’emballe. Il dégage une mélancolie vocale, des atours à la Chokebore bien sentis. Pour finir, c’est parfait. On en reste là, quelques envolées un peu plus bourrues décorent justement le final, qui dévie en un torrent façon Sonic Youth. TV Priest, avec Uppers, prend une longueur d’avance. Il s’agira évidement de confirmer, surtout après des débuts aussi probants. On leur voue, pour ça, une entière confiance au vu de la régularité affichée ici.