Le duo de lascars sans égal de Manchester, Sleaford Mods, revient avec un sixième album nommé Spare Ribs. Jason Williamson et Andrew Fearn donc, qu’on attendait avec impatience au vu de la singularité de leur registre, surprennent en proposant un disque plus musical, moins directement tchatcheur tout en conservant le minimalisme qui a fait le succès de la paire anglaise. Sur un ton moins déblatérant donc, et après une brève amorce lancée par The New Brick et ses crépitements électro, Shortcummings marie ligne de basse grasse et vocaux volubiles. Ici l’hypocrisie et les inégalités, entre autres sujets sociétaux chers aux deux acolytes, sont abordées et le panel s’enrichit. L’initiative a pour conséquence de faire progresser le projet: on s’ouvre aussi aux collaborations et des guitares sobres mais crues ornent Nudge It (feat. Amy Taylor). La dualité des voix, de pair avec la frontwoman d’Amyl The Sniffers, et le climat délié du morceau, sa coolitude communicative, lui donnent des airs de réussite définitive. Un brin plus étoffé, le son de Sleaford Mods n’en est que plus attrayant encore. La demoiselle scande, son apparition est remarquée. Après ça Elocution, avec ses gimmicks décisifs, renoue avec le format le plus usuel du clan. Post-punk sans le gras, aux faux airs de Young Marble Giants, il précède Out there que Williamson débite flemmardement.
Sans se trahir, loin s’en faut, Sleaford Mods évolue. Glimpses fait mouche, lui aussi, sur un ton vif et en se parant de cette « bassline » dont le groupe a le secret. On danse en contestant, Spare Ribs a de plus le mérite, à l’image des albums antérieurs, d’aller à l’essentiel. Que ce soit sur le plan sonore ou encore dans le verbe, il n’en dit jamais trop. Top Room se fait électro, le groove du chant fait le reste. Jason, pour le coup, bavarde grave. On a des choses à dire, les circonstances aiguisent même le discours et l’imagination d’Andrew dans l’étayage musical renouvelle le duo, reconnaissable entre mille. Mork n Mindy (feat. Billy Nomates) vient renforcer la base, l’Anglaise qui s’est elle aussi fendue, il y a quelques temps, d’un excellent opus l’honore d’un chant presque soul, racé et un tantinet insolent.
Empilement de réussites, Spare Ribs fait mieux que conforter le groupe dans son statut. Le titre éponyme pulse, sa basse et son exotisme en font un must absolu. En verve et en grande forme sonique, Sleaford Mods signe un retour concluant. Si la surprise d’un son plus « garni » peut de prime abord surprendre, force est de constater que les gaillards ont fait fort. All Day Ticket se fait direct, dans l’alternance entre plans frontaux et travaux plus modérés le disque trouve son rang sans peiner. Des petits sons bien trouvés le décorent, son énergie le crédite. Thick Ear et ses « Rou-rou-rou », son allant post-punk/cold incoercible se lance dans la dernière ligne droite sans vaciller. Solide, Spare Ribs a en plus de l’allure, dans son digipack jaune qui inciterait presque à l’ensoleillé si on ne connaissait pas par avance l’attitude frondeuse des bonshommes. Qui, avec I Don’t Rate You, font planer leurs boucles au point de leur donner des contours presque psyché. Comme chez Battant, compatriotes aux efforts de qualité, les sonorités qui vont bien se greffent au morceau.
On tire grand plaisir, donc, de l’écoute. Elle défile vite, pas une seconde on se surprend à relâcher l’attention portée à l’essai. Fishcakes, au bout de la course, nous régale d’une dernière ligne de basse fatale, histoire de nous prouver que sur ce point, Sleaford Mods est tout bonnement impérial. Une fois de plus, le chant est plus « posé », moins vindicatif dans le ton. Mais le mot, bien entendu, reste offensif. Ca leur va bien, à ces icones aux galons amplement mérités. Novateurs et crédibles en tous points, ils troussent donc un album de haute volée, support idéal comme bon nombre d’autres à la colère qui monte en chacun d’entre nous et porteur de chansons à l’étendue décuplée.
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