Après la parution, fin décembre, de son Enough Fears en phase directe avec sa fascination pour les machines, Scenius (Fab Nau « from Angers » et Steve Whitfield, producteur de The Mission, The Cure etc…) se plie au jeu de l’interview…
1) Qu’est-ce qui a permis la rencontre entre Steve Whitfield ( producteur de The Cure, The Mission, Yann Tiersen…) et toi ? A partir de là, comment est né le projet Scenius ?
On se connaît depuis longtemps Steve et moi. Il a enregistré et mixé les albums de plusieurs groupes angevins dans les années 90, dont IABF des Thugs et les deux albums de mon premier groupe, The Drift. On est resté en contact depuis et on s’est revus plusieurs fois. Je suis repassé chez lui à Leeds (UK), pendant l’été 2018. Je savais déjà qu’il avait une collec’ sympa de synthés analogiques et de boites à rythmes mais cette fois, après les avoir revus dans son studio, c’est vraiment resté dans un coin de ma tête. Quelque temps après être rentré, je lui ai envoyé un message lui disant que si, un jour, il cherchait quelqu’un pour tenter de poser des voix sur des compos faites avec ce matos analogique, ça me dirait bien d’essayer.
Au printemps 2019, il a commencé à m’envoyer des prods qui m’ont beaucoup plu et inspiré. J’ai renvoyé un premier titre qui lui a plu, puis un second, et ainsi de suite. Dès la rentrée 2019, on a commencé à réfléchir à un nom et à une date de sortie d’un premier titre. Le premier single est sorti en février 2020, suivi de 3 autres, assez régulièrement jusqu’à l’été. Parallèlement au travail de promo que ça représentait, on a continué à faire des morceaux et dès l’été 2020, on a commencé à préparer le premier album qui est sorti le 4 décembre.
2) Quel était ton parcours avant de croiser la route de Steve ?
J’ai commencé à jouer en formant le groupe dont je viens de parler, The Drift, avec des copains de collège/lycée, au départ surtout pour échapper à l’ennui dans le village où on habitait. C’était un groupe de noisy-pop, comme on disait à l’époque, mais quand même avec des influences post-punk / new-wave car on était aussi fans des premiers Cure, de Joy Division, Siouxsie and the Banshees etc. On aimait aussi des trucs plus électroniques comme New Order, Front 242, Neon Judgement, mais on n’avait pas les moyens d’acheter des synthés…
Puis, avec les mêmes potes, on a formé un groupe plus électronique et plus instrumental, qui s’appelait KYU, en intégrant des claviers et des samplers.
Ensuite, je me suis concentré sur des projets plus solo, notamment pour apprendre à faire ce que je ne savais pas encore réaliser au niveau des arrangements, des prises de son et du mix. J’allais sortir mes premiers titres solo quand Scenius est apparu.
3) Comment s’est déroulée la création d’Enough fears, votre tout premier album ? Vous êtes tous 2 basés à des endroits différents, est-ce pour vous une entrave ?
On savait dès le départ que ce serait un projet qui se ferait principalement à distance. Ensuite, ni Steve ni moi n’avions déjà expérimenté cette manière de travailler. On aurait donc très bien pu se rendre compte, à l’usage, que, pour une raison ou pour une autre, ça ne fonctionnait pas. Soit au niveau de la création des morceaux, soit au niveau de tout le reste : organiser les sorties, bosser sur les visuels, gérer la promo, etc., tous ces à-côtés qui nous prennent au final plus de temps que créer les morceaux.
Au final, on est nous-mêmes assez surpris que ça fonctionne aussi facilement sur tous ces points. Donc, non, globalement, à l’arrivée ce n’est pas du tout une entrave. Ca nous a même permis de n’avoir aucune baisse de régime pendant les différents confinements imposés en France et au Royaume-Uni.
4) Quel a été le rôle de chacun dans le processus de sortie d’Enough Fears ? Penses-tu qu’il y ait eu un apport mutuel du fait de vos fonctions respectives et si oui, lequel ?
Oui, nos rôles sont carrément complémentaires : Steve créé des morceaux instrumentaux, qu’il m’envoie. A partir de ça, je cherche des idées de parties vocales et une structure de morceau qui fonctionne avec ces idées. Je m’efforce de trouver des parties de chant qui fonctionnent bien également en termes de mix, que ce soit du point du vue du timbre de voix, mais aussi du point de vue des traitements (égalisation, effets, etc), afin que la voix prenne facilement sa place dans le mix, sans nuire à la production déjà très avancée de Steve.
Dès qu’on est tous les deux satisfaits des idées de voix et de la structure, j’enregistre les voix définitives et je les envoie à Steve qui mixe la version finale du morceau. En général ça ne prend guère plus de 3 ou 4 versions du mix pour qu’on soit satisfaits.
5) A l’écoute de l’album, il est bien évident que votre passion commune pour les synthés et boites à rythmes l’a imprégné. Comment avez-vous investi le matériel, quelle a été votre approche ? Aviez-vous en tête, avant de concevoir le disque, d’en faire un usage spécifique?
Oui, comme évoqué tout à l’heure, le projet dès le départ était de créer des morceaux uniquement à partir de synthés et boite-à-rythmes réelles, hardware. Il n’y a aucun son qui soit issu d’un instrument virtuel ou d’une banque de son.
Par contre, tout est enregistré et mixé avec les outils numériques d’aujourd’hui. Ca nous offre quand même une souplesse et une rapidité de travail qu’on n’aurait pas eues en 1981 ! 🙂
6) J’ai trouvé, pour ma part, que vous étiez restés « prudents » dans le recours aux machines. Qu’en penses-tu ?
Je suis d’accord avec toi au sens où il y a peu d’aspects bruitistes d’une part et où, d’autre part, dans leur majorité les sons sont assez contrôlés. C’est dû en partie à notre choix esthétique de départ, mais aussi à notre manière de travailler : on n’est jamais ensemble à faire tourner des idées musicales dans la même pièce, nos morceaux sont créés piste par piste: c’est moins propice aux débordements sonores. On est conscients de ça et on essaie de ramener un peu d’aspérité dans certains des prochains morceaux sur lesquels on a déjà commencé à travailler.
7) Vous semblez oeuvrer dans une certaine discrétion, est-ce voulu ? Peu d’infos filtrent au sujet de Scenius…
Ah mince, non ce n’est pas voulu ! On a même pourtant l’impression de faire du mieux qu’on peut pour faire parler de nous, compte tenu à la fois de la situation actuelle et de notre situation propre, distanciée par nature. D’ailleurs, depuis la sortie de l’album on est rendu à près d’une dizaine d’interviews et je t’assure qu’on les a faites sans rechigner! 🙂 Mais il y aurait sans doute mieux à faire, c’est sûr.
8) Prévoyez-vous de défendre Enough Fears sur scène, ou par le biais d’actions diverses ?
Oui, on a déjà reçu des propositions de concert. Ca nous a poussés, même à distance, à réfléchir à la manière de retranscrire l’album sur scène sans devoir se trimballer 12 synthés… Là, on vient de trouver une configuration qui semble pouvoir faire le job.
Ensuite, il faut quand même qu’on teste ça en étant réunis dans un local de répète. Mais pour ça, il est impératif attendre que les choses reprennent une tournure un peu plus cool.
Pour le reste, on continue à promouvoir l’album par les moyens habituels; il reste encore du boulot à faire de côté-là. Quelques remixes vont également sortir à partir de fin janvier.