Au « mic » de Muzzart ce jour, Yann Landry, créateur de Tadam Records! Un label rock au fonctionnement horizontal et coopératif, où chacun a son mot à dire sur les orientations prises. Tous les artistes sont ainsi membres du conseil consultatif, où ils peuvent se prononcer sur le recrutement des nouveaux groupes.
1) Pour débuter, peux-tu nous résumer ton parcours jusqu’à maintenant ? De quelle « caste » musicale te réclames-tu, par ailleurs ?
J’ai débuté en 2011 par des interviews philosophiques d’artistes, pour comprendre la démarche artistique, aller plus loin que les banalités d’usage et discuter sur ce qui l’est rarement: le pourquoi du comment. Cela a duré 5 ans. Début 2015, je suis devenu le rédacteur en chef de La Grosse Radio Rock, poste que je viens de quitter car on ne peut être partout. Je reste au sein de ma maison de cœur en tout cas. Cette expérience m’a permis de comprendre le milieu musical indé et de créer des liens forts avec certains artistes: des rockeuses et rockeurs, donc, pour évoquer ma caste musicale. Indé et Rock. Dans le même temps, j’étais et suis toujours attaché de presse de groupes de Rock.
2) Qu’est-ce qui fait qu’à une époque où tenir sur la durée est souvent difficile, tu fondes ce label nommé Tadam Records!?
Justement, c’est pour tenir sur la durée. On a fait le choix de se fédérer avec les groupes pour être plus forts tous ensemble, pour faire les choses à notre façon, avec les compétences de toutes et tous. Pour réussir, on ne peut que passer par un développement qui prend son temps, on ne peut pas se permettre d’aller vite: nous n’avons pas la force marketing pour ça. Nos premiers objectifs sont clairs et bien définis pour 2021-2022 : sortir les 5 premiers albums et EP, pouvoir les faire diffuser, tourner, tout en préparant la suite et d’autres moyens de diffusions…
Et surtout en étant structurés en association, nous allons pouvoir avoir une relation directe avec nos auditeurs grâce à la plateforme Helloasso, où le public pourra adhérer à l’asso Tadam Records! et ainsi recevoir toutes les productions du label pendant un an et plus si affinités…
3) Dans quel état d’esprit te trouves-tu à l’heure où naît « ton » label ?
J’ai à la fois le trac et une excitation folle ! Comme avant de monter sur scène en fait, ce qui m’est arrivé quelques fois, j’attends donc les mêmes énergies: sueurs, pogos, échanges avec notre nouveau public autant qu’avec celui que nous ne pouvons toujours pas rencontrer en concert en ce moment… Pour l’instant l’accueil des médias est déjà bon et chaleureux, et c’est très important pour notre réussite.
Tu fais bien de mettre « ton » entre guillemets, car ce n’est pas seulement « mon » label; c’est le label de celles et ceux qui le forment. Alice Adjutor est vice-présidente, Greg Demson est trésorier et Eloa Mionzé, secrétaire. Le label appartient avant tout aux musiciens et sans leurs créations, rien ne serait possible.
4) Avec qui collabores-tu dans le cadre de Tadam Records!? Comment se fait le choix des « alliés » pour les besoins de la structure ?
Nous sommes déjà 16 au sein du label, 13 musiciens plus 3 encadrants dont Isabelle Fontan de Mox Musique à la stratégie et Eloa Mionzé aux relations presse. Pour les groupes, que du Rock : STEVE AMBER, SheWolf, Shoefiti, L’Ambulancier et les benjamins de Captain Obvious. Ce qui donne donc 5 groupes mus par la même ambition de faire bouger les lignes, en sortant des vieux paradigmes.
Par exemple, il faut savoir que je ne suis pas le PDG tout puissant. Je suis simplement le label manager, dans une démarche horizontale; ma voix vaut autant que celles des autres. Nous avons un conseil d’administration où les décisions importantes sont prises, chaque groupe disposant d’une voix. Pour ce qui est des partenaires extérieurs, nous travaillons avec Inouïe Distribution pour la diffusion de nos albums et je suis en train de caler des deals avec des éditeurs. Une tourneuse doit aussi nous rejoindre dans l’aventure mais pour cela, il faudrait qu’on puisse caler des concerts. Nous attendons tous cette libération…
5) A quel type d’artistes s’adresse Tadam Records! et quelles en seront les activités ? Quels sont les pré-requis pour intégrer le label ?
Si un groupe veut nous rejoindre, il devra déjà séduire les deux tiers d’entre nous au sein du conseil d’administration ! Et pour cela il faudra qu’il adhère à notre charte de label coopératif, égalitaire et écocitoyen. Nous rejoindre, ce n’est pas signer et attendre que ça se passe! Chez nous, tout le monde met la main à la pâte dans une démarche de partage constant entre groupes, où chacun peut aider l’autre selon ses compétences.
6) Quel apport penses-tu avoir, quelle « plus-value » penses-tu pouvoir apporter aux groupes signés ?
Il y a une plus-value managériale importante, au sens où nos groupes avaient pour habitude de tout faire en DIY. Maintenant nous avançons ensemble à la fois pour le bien commun et pour les besoins de chaque projet. Mon rôle, en plus du management quotidien des groupes, est d’aller chercher des partenaires extérieurs (éditeurs, bookeurs…) pour pouvoir être entourés au mieux et travailler ensuite avec eux, être l’interlocuteur unique. Et c’est déjà bien avancé sur plusieurs sujets ! Notre label et sa démarche particulière intéressent déjà fortement les pros. Nous voulons apporter une vision non pas en marge mais qui devrait être celle, logique, du fonctionnement dans notre bizness. On voit actuellement avec le mouvement #musictoofrance, #changededisque ou encore #balancetamajor que rien ne va pour le mieux.
Nous sommes dans le milieu du divertissement, c’est une chance que de ne pas à avoir aller pointer dans un bureau en tentant de vivre de notre passion et de ce qui nous fait vibrer chaque jour, à savoir la musique. Mais cela ne signifie pas agir n’importe comment et se comporter comme la dernière des merdes humaines. Nous ne pouvons pas chanter le changement sans en être les acteurs. Voilà notre position.
7) Tu promeus des artistes indépendants, c’est un peu ta ligne de conduite me semble-t-il. Pour toi, qu’est-ce qu’être indépendant ? Comment différencies-tu le projet « indé » de celui qui ne l’est pas ?
Il y a plusieurs niveaux d’indépendance déjà. Il y a une grande différence entre le groupe indé qui tente de tout faire dans son coin et le groupe signé par un label indé, qui sera déjà bien plus structuré. Et par opposition, il y a les 4 Majors compagnies. Sinon, tout le monde est indé. Ma vision de l’indépendance, et c’est que nous faisons avec Tadam Records!, est le regroupement des forces. Seul, on ne peut avancer bien loin.
8) S’agissant du giron des groupes « indé », quel regard portes-tu sur la scène française ? De ma position de chroniqueur, je la trouve de mon côté très riche et qualitative…
La scène française est incroyable, peut-être même trop riches en groupes ! C’est insensé le nombre d’albums qui sortent chaque année, c’est intenable pour les médias, et forcément une grande part des projets est laissée pour compte. D’autant plus que l’époque n’est pas au développement long; quand un projet est sorti, on passe au suivi et ainsi de suite, jusqu’à ce que mort s’en suive. Donc, si un projet ne fonctionne pas directement, c’est le placard pour un bout de temps. Putain de tragédie.