Trio instrumental italien, Iran sort avec Aemilia son « debut album ». Nazim Comunale: Analog Keyboards, Andrea Silverstri: Guitar et Rodolfo Villani: Drum, dans une alliance unique, y tissent des trames dépaysantes, partiellement bruitistes et atmosphériques, aux textures sonores à part. On démarre d’ailleurs magnifiquement, Qom nous offrant sept minutes aux spirales déchirantes, aux rythmes assénés, dans la succession entre plages puissantes et instants légèrement plus spatiaux. Avec l’apport de Francesco Massaro: Clarinet et Alessandro Cartolari: Baritone Sax, l’opus se pare d’ailleurs, régulièrement, d’effets sonores venus de contrées éloignées. La semence électro nuageuse de Magnitogorsk, déclinée sur un ton psyché, absorbe l’auditeur. Il est cependant nécessaire, face à un contenu qui ne se livre qu’après un réel effort d’assimilation, de persévérer. De s’imprégner. Aemilia est immersif, « paysager » dans ce qu’il dévoile. Ses facettes sont multiples, ses climats variables. Si ici la tonalité est céleste, plus loin on aura la sensation de traverser des zones de turbulence. Xenopolis et ses quasi dix minutes erre entre dub, pulsions orageuses et trouées haut perchées.
Une fois de plus on ne peut, à la première écoute, tout saisir. Si l’effort est consenti, on a alors le privilège de s’évader, de pénétrer un univers singulier. Dont les penchants au bruit autre, les temps ressourçants et alliages loufoques, improbables au départ, font qu’on y demeure. Regium Lepidi, au mitan de l’album, a d’ailleurs ce pouvoir. J’aurais mis dans ce recueil, je me surprends souvent à le constater, quelques voix. Comme déjà dit sur d’autres écrits, celles-ci auraient donné un surplus de « coffre » à Aemilia et en auraient brisé le parti pris tout instrumental. On peut en effet décrocher: certains le feront, devant l’absence de vocaux et l’investissement que demande le disque.
Toutefois Cuma, à base de plongées dans le cosmos, surprend en faisant surgir…des voix! Eparses et atypiques, elles accompagnent à merveille la rêverie acidulée qu’engendre le morceau. Son style ne se définit pas, il serait vain de chercher à le ranger dans telle ou telle catégorie. Aral, dans l’élan, marie finesse des motifs et agitation rythmique. Il feint l’implosion, monte en pression, mais revient à des atours posés. Les cartes sonores d’Iran valent le détour, elles pourraient néanmoins, et ça n’engage que ma personne, « gronder » de façon plus poussée encore. Bam, pour finir et à l’aide de voix en son début, accentue la portée cosmique, zébrée de battements plus mordants, plus triturés, que le projet génère.
Une fois « digéré », Aemilia illustrera parfaitement, en des temps bien définis et dans des conditions particulières, notre quotidien. Sans le considérer comme un ouvrage à écoutes compulsives, je le pense doté de textures en phase avec certaines de nos humeurs et dispositions, certains de nos temps de vie, qui en rendront l’exploration porteuse et captivante.