Le rennais Daniel Paboeuf, peu avant un Ashes rougeoyant et insoumis, se livre à Muzzart…
1) Ton parcours, riche et doté de nombreuses collaborations, marie l’audacieux et le plus « rangé ». Comment choisis-tu les artistes avec lesquels tu vas oeuvrer ? Que retiens-tu de ces nombreux efforts communs ?
Souvent, ce sont plutôt les artistes qui font appel à moi et je réponds en fonction de l’intérêt artistiques et de mes possibilités de planning. Dès mes études au conservatoire de Rennes, j’ai eu un professeur (un maître!) qui m’a toujours, et dès l’âge de 14 ans, encouragé à m’intéresser à toutes les musiques.
2) Comment as-tu vécu le « fourmillement « artistique rennais dont tu es issu, dans les late 70’s et early 80’s ? Quel est son apport à la musique que tu pratiques ?
Ce fourmillement était aussi humain et s’ apparentait pour moi à une sorte de Movida rennaise ou tout était permis. Je suis content de l’avoir vécu et plusieurs personnes m’ont fait la remarque que cette album faisait référence aux eigthies mais ce n’est pas flagrant pour moi.
3) Ton projet personnel mais aussi très collectif, le Daniel Paboeuf Unity (DPU) en est, déjà, à 3 albums. Le fait d’enchaîner avec un album solo, ce Ashes ? dont je me délecte déjà, marque t-il une forme de rupture avec DPU ?
Non, je ne pense pas. Plutôt une forme de continuité. DPU a toujours été conçu pour moi comme une formation à géométrie variable, en fonction de mes choix artistiques et humains.
4) Tu as travaillé, pour Ashes ?, avec Thomas Poli, Peter Deimel et Nicolas Couret. Est-ce pour toi l’équipe idéale, « l’entre-soi » musical qui fait qu’on se sent assuré dans la création ?
Exactement, l’équipe idéale et j’espère travailler encore longtemps avec eux !
5) Comment s’est déroulé l’enregistrement ? Comment te positionnes-tu dans l’équipe impliquée pour les besoins du disque ?
J’ai enregistré mes démos dans mon studio avec Logic pro x, une boite à rythme Alesis SR 16, un vieux sampleur Mirage et mes saxs. J’ai envoyé mes démos à Thomas. On a pris 2 jours de pré-production pour trier les sons, et réfléchir sur la méthodologie. L’enregistrement s’est fait plusieurs semaines après. Cette boite à rythme n’avait qu’une sortie stéréo mais Thomas a trouvé l’astuce pour mettre les sorties en séparé quand il fallait. Nous avons gardé certaines rythmiques en stéréo tel quel. Un certain nombre de parties de sax baryton pitchées dans les graves ont été renforcées par des parties de Moog joué par Thomas. Il a aussi ajouté un certain de nombre de parties de modulaires et, il me semble, de Korg MS 20. Ces parties de synthés, je les appelle les guirlandes de Thomas. Peter Deimel a été très précieux et s’est vraiment très impliqué dans une période difficile pour moi.
6) Tu fais référence, sur Ashes ?, à Ad Astra qui fut le groupe de ton adolescence. S’agit-il d’un retour aux sources, autrement dit à des temps moins troubles, qui permettrait d’atténuer la rudesse des temps actuels ? L’album est d’ailleurs très immersif, il m’évoque de ce fait une « bulle » sonore où se réfugier…
À la réflexion (je n’ y avais pensé), il y a quelque chose de cet ordre-là : dans mon adolescence, dans les mid 70s, je lisais beaucoup de SF, et un thème récurrent était la fuite ou l’essor de l’ espèce humaine dans les espaces intersidéraux. Dans la situation actuelle, j’ai surtout pensé à la survie par la fuite. Ce qui n’est pas une hypothèse farfelue. Mais la planète «War» paraît hostile. Arcturus est une étoile, une naine rouge qui se meurt au nord de notre galaxie, pour se transformer dans 80 000 ans en planète gazeuse ! M 87, la galaxie où l’on vient de photographier, il y a quelques mois un trou noir (décevant!).
Who will remember ? Un constat désenchanté de nos traces sur terre …. Ashes ? Une note d’espérance.
7) Parallèlement à ça, les émotions ressenties à l’écoute de Ashes ?, ses climats, sont très divers. Y-a t-il un lien, à nouveau, avec la confusion des sentiments que génère la conjoncture actuelle ?
Non, je ne crois pas. Je me sens plutôt serein. La seule chanson qui pourrait correspondre à ce lien serait I’ m a wreck
8) L’intitulé, Ashes, renvoie t-il à l’idée d’une société consumée, qui impliquerait le passage à une sorte de monde nouveau ? Et donc, une ouverture à l’espoir, fut-il minime.
Oui exactement, avec quand même une note d’espérance.
9) De quoi s’accompagnera Ashes une fois sorti, en termes de dates et événements divers ?
Je me produirai partout où il sera possible de jouer : Le 5 février aux Ateliers du vent à Rennes, dans un premier temps. Je dois jouer en solo en première partie de Marquis (ex-Marquis de Sade), notamment à Paris et également sur scène avec eux. Des dates seront annoncées très bientôt.
10) Le sax, aussi libre que tenu,aussi aventureux que velouté, dépayse et contribue à mon sens très largement au ressenti lié à l’album. D’où t’est venue l’envie d’en jouer, plutôt que jeter son dévolu sur un instrument plus usuel ?
À cette époque, mon frère Christian et moi étions très proches en âge, en amitié aussi. Lui qui était un peu pitre, a été inscrit au Conservatoire de Rennes. Il y avait déjà un tropisme pour la musique dans la famille. Mon grand-père, bien que d’extraction très modeste, était féru d’opéra et il avait transmis cela à ses enfants. Dans le buffet de notre salle à manger, il y avait une relique: l’ harmonica de mon père, mort quelques années auparavant. J’ai suivi Christian au Conservatoire. Je voulais jouer du violon, mais bien sûr le violon, on le commence à 5 ans et j’en avais 12. On m’a donc présenté une liste d’instruments et j’ai dû en choisir un: j’ai choisi le saxophone en pensant choisir la clarinette!
Bref, pas une vocation! 2 ans de souffrances, notamment en cours de solfège ! À la faveur d’un changement de professeur de sax (Roland Audefroy, qui est devenu mon maître et qui m’a encouragé à tenter toutes les expériences musicales possibles) et surtout de la création d’un club musique dans mon lycée (rencontre avec Pierre Fablet, éminent dynamiteur de la scène artistique rennaise), un revirement complet s’opéra et mes résultats scolaires moyens devinrent désastreux.
11) J’ai lu que tu avais pris part à l’album de Marquis de Sade, ou plutôt Le Marquis désormais, prévu en janvier 2021!
J’y ai participé pour les saxs, j’ai joué sur 2 morceaux et pour les voix 2 ou 3 morceaux, il me semble.
12) Qu’est-ce qui te permet, plusieurs décennies après tes débuts, de continuer à créer ?
Le désir.