Âme de Boue est le projet solo de Dasz Kowalski, ex- Dolina et co-fondateur du collectif Spielzeug Muzak. In Hortum est son troisième album, à la fois intriguant et passionnant. On y trouve de l’indus, des bouts d’ambient, de la pop mutante et des vocaux traficotés déclinés dans plusieurs langues, entre autres nombreux ingrédients associés par le bonhomme avec agilité. Si Ostium s’avère -trop- bref, sa symphonie grésillante annonce, d’emblée, le désir de tracer sa route hors-champ. Night piece, basé sur un texte de James Joyce, valide l’impression: sombre, aussi distingué qu’émaillé de sons originaux (un peu de toute sorte, comme chez Einstürzende Neubauten), il développe un climat à part. C’est l’un des atouts du disque, avec son panel ouvert et peu prévisible. Las vidas paralelas, qui suinte une électro moite et obscure, au chant en Espagnol, l’entrouvre de façon plus large encore. Des ritournelles synthétiques tordues et géniales émaillent le morceau, l’opus parvient à resserrer son étreinte, un tantinet cold. Âme de Boue fait preuve de brio dans sa déviance, s’emploie à instaurer un répertoire singulier. Mieux, il y parvient et en fait une arme de séduction musicale. Mooncat, en répétant ses sons cosmiques, permet l’envol. Des motifs de violon l’embellissent, Hunting scene lui succède en jouant une électro saccadée, vaporeuse, aux vocaux psyché.
Dans son mélange d’éléments divers, Kowalsky maîtrise son langage. Il le modèle, le module, l’amène à emprunter des chemins de traverse inspirés. L’usage de vocables différents rend le tout exotique, Untergang et ses motifs légers couplés à son rythme vif et haché n’obéit d’ailleurs à aucune règle prédéfinie. On sent, chez Âme de Boue, une liberté de ton, une investigation sans réelles limites, qui le décalent et le distinguent. Le terrier serpente, son chant narre et ses bruits se meuvent en une dissonante harmonie.
Plus loin, Symplocarpus foetidus jette une indus nébuleuse, bruitiste et vocalement a-normale, donc captivante. On recourt à des éléments, sur In hortum, qui en dépit de leurs différences s’imbriquent jusqu’à engendrer des plages sans équivalent. Little mischief a des airs de scène berlinoise, une fois de plus les sons mis en place raflent la mise. Le ton des chants, tout autant. On est ici dans un Clair Obscur (une influence peut-être?) prenant, virevoltant, aux légères teintes « psych ». Da mi basia mile (catulus) dépayse, cosmique et alerte dans le même élan. Des sons d’Orient le traversent, on note d’ailleurs la présence d’invité(e)s qui, sur le plan vocal ou en usant qui d’une trompette, qui d’un violon, confortent incontestablement l’ensemble. In your garden, sur quatre minutes grises et vaporeuses, s’habille d’un chant élégant, épars mais de choix.
Enfin Souffrance et élégance, presque orchestral mais de manière « dark », sans hâte, met fin à une épopée qui s’écoutera à plusieurs reprises, personnelle certes mais exigeante. C’est le propre des travaux musicaux qu’il faut aller chercher, avec lesquels la rencontre n’est pas immédiate. Tant mieux car à l’arrivée, on aborde des terrains peu connus, où l’on se fait cueillir par des sensations nouvelles et plurielles. , avec ses guests et machines, ne fait qu’un et après son Finitudes de juillet 2016, continue à poser ses bases, éloignées de toute préoccupation mercantile.