Déjà distingué ici pour un ep sorti en septembre 2019, le Echoplain d’ Emmanuel Bœuf (Emboe, A Shape, Sons of Frida, Dernière transmission) à la guitare et au chant, Clément Matheron (Sons of Frida) à la basse et Stéphane Vion (Velocross, La Diagonale du Fou) à la batterie voit les choses en plus grand, non seulement d’un point de vue format puisque c’est un album qu’il nous livre, mais aussi en termes de collaborations puisqu’en l’occurrence, ce Polaroid Malibu de toute première bourre a été enregistré par Julien Bous (Postghost Recording), mixé et masterisé par Julien Camarena (Unison), illustré par les peintures et dessins de Sasha Andrès (Heliogabale, A Shape) alors que l’artwork émane de Benjamin Vergès (La Diagonale du Fou, Torquem). Une affaire de gens parfaitement à leur affaire, dont la réunion génère une palanquée assez renversante de torrents noise, noisy et post-punk qui n’ont de cesse de nous couler sur la gueule. Il faut dire, ou plutôt rappeler, que dans cette « fine » équipe tout le monde, sans exception, a déjà singulièrement usé ses semelles sur les planches et le bitume du circuit rock de nos contrées sonores.
Alors quand All eyes on me, première cartouche d’un plomb qui évoquerait Sonic Youth croisant le fer avec GVSB, ouvre les festivités, on ne s’étonne guère qu’il mette tout le monde d’accord. Dans son jus post-punk braillé, il fait péter les mélopées, se nuance puis s’enrage derechef parce que tout d’même, l’heure n’est pas vraiment au cui-cui les p’tits oiseaux. Ce bazar-là énergise, galvanise. M’étonnerait pas, non plus, que les mecs aient usé leurs oreilles à s’envoyer de la noise d’en France. Du Deity Guns, du Bästard, du Doppler peut-être même. Ou du Condense. Ce qui n’empêche qu’au moment d’entonner les ritournelles, c’est bien Echoplain qui raffermit ses bases, personnelles. Les rafales-saccades de Hole Dare Neck l’y aident grandement, la voix se modère quelque peu et ça amène un chouia d’intérêt en plus. Attention, elle se remet vite à éructer: ça lui va tout aussi bien. Voilà un gang aux méfaits recommandés, qui sous couvert d’assauts bruts, fait preuve de dextérité.
Le chant, sur On Her Side, fait même son Scott McCloud, en mode susurré. La rythmique, étayée par une guitare viciée, serpente et assène ses coups. On fait preuve de versatilité, les changements de direction se font brusquement, abruptement, mais avec la plus grande maîtrise. L’intensité est récurrente, mais jamais bêtement « bourrine ». Here I stand est mélodieux, vocalement notamment. Passé son début il braille davantage et n’y perd rien. Dans l’alternance force-tempérance, Echoplain est dans son stade. Ses riffs, sur le dit morceau, jouent au chamboule-tout. Beyonce se fait..euh…balafrer, on y retrouve toutefois les fameuses nuances, bienvenues, inhérentes à l’album. Celui-ci, je le pressens, en ravira plus d’un dans les chaumières indé. Il est d’ailleurs le fruit d’une co-prod entre quelques labels incontournables. Il ondule, ce Beyonce, se catapulte, hurle et ratiboise grave. Leste et dynamique, il nous amène au second volet de l’opus sans la moindre plume en moins.
Arrive à ce moment Watcha, saccadé, rageur et doté d’élans guitaristiques bien Dirty. La basse ponctue le tout, charnue. La batterie met des beignes, les guitares griffent et lacèrent. Mazette Yvette, ça faisait belle lurette! Et ce n’est pas On my own, lente pièce plus songeuse et tempérée, qui fera baisser le niveau. La zik de gris d’Echoplain fait écho à notre époque, noire. Au but du bordel, pourtant, on est revigoré. Fade out, leste, nous remet une taloche, histoire de complètement nous réveiller. Come on, people!, pour reprendre un intitulé de nos irremplaçables Thugs.
Le chant est batailleur, dans la symbiose avec l’excitation de l’instrumentation. La fin du morceau bastonne sec, elle précède 13th. Un morceau noise compact, bondissant: un énième glaviot au break souillé, une nouvelle tempête dont on ne cherchera pas à s’abriter. Bien secoué, on en vient alors au bout de la piste, au tracé tortueux. Yead Sneaky pèse de tout son poids, lourd et, dans le même temps, agile. Finaud même, dans ses notes. Il se libère, laisse sa cadence s’emporter. Il crie, fait de rage et taillé dans un son massif. Une fois de plus, la succession des tons, ajustée, amène Echoplain sur les plus hautes marches de la bâtisse sonore qu’il s’évertue à dresser. Qu’on se le dise, son Polaroid Malibu est magistral: c’est une mornifle, une raclée sonore pensée, à diffuser sans plus attendre dans toutes les bonnes crèmeries du pays.
Bandcamp Echoplain / Bandcamp Araki Records / Site Pied de Biche / Bandcamp Zéro égal petit intérieur / Site Atypeek Music