Trio bruxellois, signé chez Exag’ Records, Milk TV comprend Matthieu Peyraud, également bassiste du sextet oriental kraut oriental Phoenician Drive, Martin Rault (Phoenician Drive) à la batterie et Casper de Geus (O’Grady, Moar, Brorlab) à la guitare l’épaulant sans vaciller. Leur « exploration » sonore se nourrit autant des délires d’un Deerhoof que du bruitisme de Sonic Youth, passés à la sauce Milk TV. Nostalgie des terrains de jeux, des programmes télévisés et cynisme post-Reagan constituent le socle de leur propos, décliné sur ce Good Food For Mean Kids en neuf morceaux imprévisibles et qualitativement « pô mal du tout ». Un funky et dépaysant Ghost of Mi-Jú, ondulant, aux airs de Talking Heads/Gang of Four, voire de Devo dans ce côté fantaisiste, prend d’emblée un virage serré, pour instaurer une déviance dans laquelle on suit bien volontiers le clan. Ca groove sévère, Greedy for what se développe ensuite vivement, dans l’urgence, et s’entoure de sons derechef obsédants. Et bim!, l’explosion arrive, elle alterne avec des passages plus doux mais tout de même triturés. Des choeurs enjolivent l’affaire, rondement menée. Robots installe après ça ses saccades, sa versatilité vocale et sonique. Que du tout bon, chez ces foufous, à se mettre dans l’cornet.
On n’omet jamais, c’est une évidence, le coup d’tronche noisy. On sert des plages inspirées, aussi charmantes qu’ébouriffantes. Et riffantes. Dürüm fait le fou, laisse filtrer des brèches 70’s. Mais le patchwork du groupe ratisse bien plus large et surtout, il n’émane que de lui-même. Il s’allège à l’occasion, emmène tout le monde dans des cités non visitées. Brain fog se fait poppy, avec une grande finesse. Aérien, bien serti, il s’emballe sur sa deuxième partie. On se doutait bien qu’avec de tels trublions, on ne resterait pas tranquille bien longtemps. Le titre braille sur sa fin, entièrement déchainée.
Clap clap, c’est à nouveau du costaud. One Leg Performer fait danser, il se poste à son tour entre calme groovy et coups de semonce soudains. L’alliance sonne juste, ne parait jamais douteuse. Des tons funk bourrus, ici, refont surface. Call me doctor s’appuie sur des boucles de belle teneur, fait presque dans le prog. Celui qui n’ennuie pas, tiens-je à préciser. Et qui, loin de toute démonstration, fait le pitre de façon récurrente. C’est pas parce qu’on fait l’con qu’on n’est pas bon, Good Food For Mean Kids en est la brillante illustration. Stupid Ulcer est riffeur, subtil autant que puissant. Il a des airs de Primus, ces trois-là savent jouet et affichent de l’unité. On leur emboite le pas jusqu’au bout, jusqu’au terme, donc, de leur délectable extravagance. On se plait, en leur compagnie, à se trimballer en eaux remuantes. Paris termine le bazar, sa folie me fait penser à ce groupe de chez nous, Le Singe Blanc.
Sans sagesse donc, mais avec adresse, Milk TV apporte une contribution notable au rayon de son label, où on trouve aussi La Jungle, Tamar Aphek (nouvel album, magnifique, fin janvier 2021), Phoenician Drive, Slift ou Orchids mais aussi King Gizzard and The Lizard Wizard, parmi bien d’autres combos aux traces discographiques indispensables.