Forse est le projet solo de Gianmaria Zanda (voice, guitar, keyboard, looper, reverb), qui vit dans les montagnes suisses italiennes et pratique un registre minimal, joueur et lo-fi, d’une certaine originalité. Le bonhomme fait mumuse, le clavier est sa muse. Sa voix est singulière, il bricole avec talent. Il cherche un job et s’en joue (I’m looking for a job), fait preuve de prestance vocale dans ses attitudes un brin délirantes. She’s afraid of the dark l’amène à amorcer son essai sur un ton indie-folk de toute beauté, dégraissé. Ses ritournelles font mouche, elles se greffent à de superbes motifs sonores. On s’entiche vite du contenu, sincère et de toute évidence sans maquillage. Put your finger everywhere s’habille de bons sons, qu’il répète jusqu’à les faire entrer dans la caboche de l’auditoire. L’humour de Forse fait du bien, il a de plus le mérite de tout faire, cmme un grand qu’il pourrait être, avec un foutu brio. What about chocolate, aussi jouissif qu’une plaquette de Milka, joue un folk-blues magnifique. Le chant est fervent, l’enrobage sonore mesuré, bien sûr, et enchanteur. Ca m’évoque, ce Harmony, le Diabologum des débuts, ou le Dionysos très lo-fi des premières années également.
Fraîcheur et vérité, économie du superflu, voilà la recette qu’applique Forse. Les ingrédients qu’il met dans sa tambouille, concoctée au beau milieu des pentes enneigées. Le jeu de guitare de Moe! / Salary man donne l’impression que le morceau est joué là, devant nos yeux et nos bouilles glacées par l’air alpin. Ca réchauffe, il y a dans les morceaux de Zanda une chaleur, des élans cordiaux, qui flattent les sens. Primitive harmony est exécuté de la même façon, finement, dans une forme, encore, de déviance vocale à saluer. Mi-sérieux, mi-dérisoire, Harmony livre…des harmonies, bancales et bien ficelées, qui l’élèvent. Tantôt flemmard, tantôt virevoltant, l’album adopte presque un débit hip-hop sur I wanna dance with you tonight, virevoltant. Dansons donc, il y a de quoi. Alright, sincerely fait étalage, comme de coutume, de sons addictifs, simples et vocalement bien épaulés.
Plus loin, Henry Flint brille, on n’en doutait guère, par l’impact de ses motifs. Ses voix ne sont pas en reste, entre normalité et écarts qui accroissent la portée de la cassette sur laquelle trône…un crapaud (ou une grenouille? Je n’ai plus qu’à retourner réviser..). Manière de dire, peut-être, que c’est dans le milieu le plus naturel qui puisse être que l’opus a été conçu. Un court interlude fait le lien, puis Flowers in your pocket amène une touche psyché. Quand on pense que ce type d’artiste, intègre et étincelant, récoltera moins de reconnaissance que les sans cerveau de la musique, on pourrait bouffer son looper. Oublions, Something you have to change nous ramène à des pensées plus saines. A plus de tranquillité aussi, apaisant qu’il est. See you next time (avec grand plaisir!) venant ensuite et enfin parachever un boulot plus que notoire, dans une brillance vocale décisive.
Le constat est donc clair; si les moyens y sont moindres, mais l’authenticité et le savoir-faire colossaux, c’est au sein des petites structures qu’on déniche les plus belles pépites. Forse, avec son Harmony, en est. Inspiré et réconfortant, fantaisiste aussi, il crédibilise par la même occasion les artistes qui, dans leur coin, élaborent des sorties d’un éclat semblable à ces montagnes qui, lorsque le jour les éclaire, resplendissent et flattent la pupille.