Quinze ans de Peter Kernel, ça recense une flopée d’albums indispensables, faits d’un rock tapageur et personnel. Depuis How to perform a funeral (2008), en effet, Aris et Barbara nous régalent de leur registre maison, délectable. Pour leurs quinze ans d’exercice, ils nous refourguent un patchwork plein à ras bord de démos, d’instrumentaux, de versions live ou acoustiques, d’inachevés et inédits dont la plupart, en dépit d’un amas délibérément foutraque, font leur effet. On y navigue en courant indé bien entendu, ça a toujours été le cas avec les deux comparses. Liebe (instrumental demo), qui ouvre le bal, joue une sorte de folk-indé chatoyant, d’ores et déjà attractif. Chez Peter Kernel, ne pas figurer sur tel ou tel album, pour une chanson, n’est sûrement pas synonyme de mauvaise qualité. ‘Gusto (live version with “He’s A Heartattack” lyrics) en apporte la démonstration, rugueuse et étincelante. On retrouve, de toute façon et au fil de écoutes qu’on amassera, tout ce qui fait l’attrait du duo, formats éclatés y compris. Leaving For The Moon (Instrumental alternate demo) honore, en troisième position, l’aptitude du groupe à se repenser. Son côté « brouillon raturé », très lo-fi, renvoie de l’attirance. PK réitère son tapage, si bonnard (Combining Fire With Water (unreleased song)), plus loin il expérimente en suivant un chemin céleste (Remarkable Encounters (instrumental song written for the movie “Il Nido” by Klaudia Reynicke)). Tout lui va.
Ecstasy feat. Zeno Gabaglio (unreleased alternate version), d’un piano-voix orchestral, prend le relais. Happy To See You (early instrumental version), quasiment aussi prenant que l’original, assaille avec délicatesse et « frontalité ». There’s Nothing Like You (first demo), batterie cogneuse et chant susurré allant de pair, produit un effet égal, donc conséquent. Moah (instrumental demo), comme le Santo des Pixies, amène une touche dépaysante, grinçante aussi. Leaving For The Moon (first demo), vigoureux, cru et subtilement pénétrant, renforce à son tour la collection. On peut certes s’y perdre mais en faisant preuve de…Persévérance, on tombera sous le charme de l’ensemble pour un long moment. What Are We Looking For (released only on the compilation “A Tribute To Elysium), de son côté, aurait largement tenu son rang sur un album. Chant mutin, motifs sonores noisy le rendent concluant, ses mélodies bancales font de même.
Je le dis et le répète, Peter Kernel a du talent. A revendre. L’initiative est à saluer, il aurait été dommage de laisser toutes ces perles dans le tiroir. On en dénombre ici, tout de même, vingt-quatre au final. Asia (Instrumental acoustic demo) est en phase avec son titre; il est bon, ça et là, de se voir extraire de notre zone de confort. Fiesta (written for the movie “Il Nido” by Klaudia Reynicke) s’envole, légèrement psyché. Flies Die (early instrumental version) se poste entre sérénité et moments plus tranchants, l’approche est caractéristique et sied à merveille au projet. We Are Sorry We Died (released as video in occasion of the 100th anniversary of the end of World War I) adopte la même attitude, à ceci près que le chant de Barbara lui confère à la fois douceur et relief. Take A Run To The Hell (intrumental demo) prouve une fois encore que la série d’instrumentaux livrés ici, en plus de leurs qualités évidentes, auraient fait un carton en se dotant de voix. Celui-ci est bruitiste, Anthem Of Hearts (first demo) l’est aussi mais de manière plus saccadée. Ce titre est une merveille, de jolies notes s’y greffent. I’m So Happy To Go (unreleased song), à ranger au rayon des inédits valeureux, m’évoque les Breeders. Son côté pop « chercheuse », jamais complètement rangée, lui fait honneur.
On se laisse ensuite tenter, sans ronchonner, par l’allant rock de On Tuesday I Polish My Uncle (bonus track on “How To Perform A Funeral” LP version). Magique. Puis par There’s Nothing Like You (Peter Kernel & Their Wicked Orchestra version – First private live show – alternate lyrics), exercice où Barbara place son organe encanaillé sur fond de plages orchestrales aux sonorités aussi belles que déviantes. Magnifique, à l’image d’un Men Of The Women (first impro demo) au chant façon Kim Gordon songeuse. Il y a du Sonic Youth, d’ailleurs, dans l’investigation sonore de Peter Kernel. Kanada (released on side B of “There’s Nothing Like You” 7 inch vinyl) souffle, après ça, une comptine poppy narrative, ornée de notes entre beau et rude. Merveilleux, encore. Rituals (unreleased instrumental song) lui succède, fin et répétitif sans susciter l’ennui.
Enfin, Re (Unreleased song taken from the recording sessions of “White Death Black Heart”) débarque, pour faire péter le clap de fin, en pépite indé de caractère, qu’on s’attend à voir exploser. Comme souvent chez Peter Kernel, les chants s’y complètent et imposent des tons différents très complémentaires. Rien à redire, la série est géniale. Après toutes ces années émaillées de disques majeurs, elle est à la fois légitime, captivante, et illustre fidèlement l’entièreté des directions suivies par Aris Bassetti et Barbara Lehnoff à l’occasion de leurs pérégrinations musicales. Le tout avec le concours d’une longue ribambelle de collaborateurs, avec pour effet de marquer d’une sortie considérable l’aventure, loin d’être bouclée, des deux complices.
Bandcamp Peter Kernel / Site On the Camper Records / Site Hummus Records