The Eurosuite, c’est l’union londonienne entre des membres de Usa Nails, Silent Front, Nitkowski ou Dead Arms. Pas des tendres, ni des lapins de six semaines. Ca fait donc du bruit, c’est chez A Tant Rêver du Roi que ça pointe son nez et Hot off depress, premier album de la clique d’impolis soniques, se refuse à toute classabilité. Il semblerait qu’il y ait, là dedans, de la noise. Du vacarme aussi, fréquemment. Une voix folle et étranglée, de type David Yow. Des rythmes versatiles, qui pèsent de tout leur poids ou partent à tire d’aile. Bref, un joyeux fatras initié par Misery pump, première synthèse déchainée de tous ces éléments. Des synthés déglingués y trouvent place, on comprend déjà que le quatuor anglais se plaira à déjanter. I am est tout aussi excessif, ses sons cinglés. De secousses rythmiques en charges bruitistes, de tourbillons vertigineux en vocaux cognés, The Eurosuite bagarre et ne ménage pas le quidam. On a à peine repris son souffle que Tortuga, à peine plus modéré, en tout cas plus saccadé, nous administre une énième mornifle, bien sentie. C’est le chaos, au bord du décousu, et pourtant cohérent. A Tant Rêver d’hybrider, les mecs l’ont fait et partant de là, délivrent un coulis sonore personnel, rarement entendu ailleurs que dans ses rangs.
Stimulate, direct, prolonge l’embardée. Il stimule, efficacement. Tiens donc, la folie des Butthole Surfers me vient à l’esprit. Les bruits, à nouveau, obsèdent et dévissent. Pas le temps de s’ennuyer, il faut encaisser et digérer. Mais on a du coffre, à l’image de ce disque qui ne cesse de tempêter. On peut, à la première écoute, se faire surprendre. A la seconde, exercé, on a capté. TV press, également rapide, grince sévère. Pas d’accalmie en vue, il faut dire que l’extrême sied parfaitement à ces joyeux drilles. On évoque, en parlant du groupe, Arab on Radar, Future of the Left et Suicide. Pas faux, on entend des trois mais le résultat est dû à The Eurosuite. Sans nul doute. I draw, qui consiste en un drone noisy qui vire en un parpaing noise, en apporte la preuve. Hot off depress suinte son propre délire, exhale sa démence « à lui ». Celle-ci lui est entièrement redevable, les mecs à l’ouvrage ont de toute manière la route, le vécu, pour faire à leur sauce.
No design, d’une durée réduite, tape au bélier, laisse dégouliner une pluie de sons barges. L’étreinte se resserre, l’insanité mentale gagne du terrain mais sert l’intérêt d’un opus intense, sans répit semblerait-il. Jusqu’alors, tout au moins car l’ultime titre va, contrairement à nos attentes, trancher avec le reste. Line/void, joué en piano-voix ombrageux mais sensible, se rapproche en effet de ce que pourrait faire un Reznor quand la fureur retombe complètement. C’est beau, ça offre m’occasion de respirer tout en profitant d’une jolie trame. The Eurosuite évite ainsi l’inertie, qui n’était déjà pas à l’ordre du jour, et s’affaire avec brio. Il montre, par la même occasion, que les projets issus de plusieurs autres combos existants peuvent tenir la route.
En tout juste huit titres donc, suffisamment concluants et agités pour vaincre et convaincre, la bande de dingues « from London » signe des débuts réussis, qui promettent de secouer si le groupe a l’opportunité de défendre son oeuvre sur les planches. Dans son vinyle vert et blanc, elle a de plus belle allure et sa bâtisse d’hébergement, « ATRDR » pour les intimes, complète son carnet de groupes, déjà bien « délinquant », de manière judicieuse. C’est pour ça, entre autres, qu’on l’aime et qu’à l’issue ce ce skeud qui ne tient pas en place, on guette déjà ses sorties futures tout en se remettant dans les feuilles un petit, au hasard, Yes Basketball ou Ingrina.