Avec John Dwyer et ses Oh Sees, prolifiques et magnifiques, on ne sait plus où donner du saphir. Nombreuses et généreuses sont les sorties, tordues et splendides, du groupe et cet EP de fin d’année, Weirdo Hairdo, ne fait surtout pas exception avec ses trois morceaux longue durée, au milieu desquels se trouve une reprise d’Alice Cooper & The Spiders, Don’t Blow Your Mind. Du fait maison barré, hirsute et versatile, qui s’étiole donc sur des formats étendus. La jam enivre, rend fou. Elle part dans tous les sens, comme un concert de Jon Spencer ou une galette de Zappa (ou l’inverse), et livre un psychédélisme kraut sur le titre éponyme, cosmique et 70’s, de façon dominante, dans le ton. Avec tout ce que cela implique de folie musicale, de génie d’assemblement car ici et à nouveau, les ingrédients sont multiples. La psyché est dérangée: c’est ce qui fait l’attrait, irrésistible, du disque et par extension, de toute la discographie de l’Américain et ses complices. Les voix chuchotent, les sons partent en vrille. On décolle très haut, porté par des secousses rythmiques répétées. Ca et là, fusent des bruits dingues. D’emblée, le trip est total et bazarde le normal. Les tribulations d’Oh Sees, comme de coutume, le placent à part et à l’écart, dos tourné au prévisible.
Ca ne peut que convenir, c’est dans cette posture que la clique est chez elle, sur son terrain. Don’t blow your mind, en ébullition, déborde, et bruisse, de partout. Bruyant et dérangé, céleste et riffeur, il marie jazz frappé, stoner, trouées soniques et volutes psyché cadencées. Musical à bloc, dément mais attirant, Weirdo Hairdo n’est pas forcément bien peigné. Et pourtant ses vagues insoumises, ses flux et reflux, ses sonorités sorties d’on ne sait où, enfantent une fois de plus un rendu de génie, de nature à aimanter l’auditeur. Ce n’est pas donné à tout le monde, loin s’en faut et c’est un privilège, pour tout amateur de plans échevelés autant que pertinents, d’intégrer l’univers d’Oh Sees. Le tout dans une fréquence, en termes de sorties discographiques, qui fait qu’on peine presque à suivre le rythme des parutions. Car il faut s’immerger, un bref passage ne pouvant suffire à tout saisir.
C’est le cas ici; passé l’effort de « domptage », car Oh Sees est sauvage et ne se laisse pas amadouer, le bonheur surgit et s’impose. Avec Tear ducks, ultime merveille de l’ep, on fait retomber le tempo, mais pas la déviance. Simplement, les choses se disent là sur un ton plus posé, plus climatique et mélodieux. Suivant, on le notera, une voie mélodique nuageuse, majestueuse, qui confirme l’imprévisibilité du tout. Oh Sees vient, à nouveau, de frapper fort après, entre autres sorties récentes en cascade, un Protean Threat également magistral. Addictif, ni plus ni moins.