Projet de l’Auvergnat Rémi Sauzedde, Apollo Noir s’adonne à un patchwork musical déroutant, dérouté, qui sur ce troisième album, Weapons, confronte immédiateté et détours fréquents, violence et nappes minimales. Il va de soi que le rendu est personnel; Choisis ton arme, en introduction et sur pas plus d’une minute, balance du son cosmique trituré. Tue les tous, à sa suite, met dans le même sac riffs métal et syncopes électro frétillantes. Des voix traficotées apparaissent pour humaniser, si on peut dire, un contenu brut autant que pensé. Il y a de l’indus là-dedans, c’est audible. Mais le terme ne peut résumer, à lui seul, la nature d’une mixture osée. Arme de destruction, doté lui de chants club, donne vie à une électro remuante. Apollo Noir s’emploie, au fil de ses morceaux, à se placer en marge. Douk douk, drone brumeux et immuable, en présente la facette la plus expérimentale qu’il puisse développer. Eprouvant, de prime abord. Mais le pachydermique Flame thrower, opaque, développe une ambiance singulière bien qu’exigeante. Ce Weapons ne s’adresse pas aux amoureux du tout convenu, les traits groovy d’un Couteau à l’électro-indus noire et tribale les éloigneront d’autant plus de l’univers du Français. Dans le même temps, ils renforceront l’exploration sonore instiguée par ce dernier.
Arc, fait de sonorités à nouveau déviantes, échappe lui aussi à toute norme, à toute classification. Dans ses trames entre linéarité et fréquentes bifurcations, parfois abruptes, Apollo Noir défriche et démontre que ses terres sonores, décalées, ne se dévoilent pas en un tour de piste. Weapons est immersif, on peut même comprendre que certains plient bagage devant son âpreté. Adieu, leur dira t-on alors au son de bruits célestes répétés qui enveloppent le dit titre. Sorry, même, et ce sur plus de dix-sept minutes où un climat faussement serein se décline sans véritablement muer, ou alors de façon subtile et à peine perceptible. Difficile, je l’avoue, de complètement rentrer dedans. Il faut très certainement insister, l’imbrication d’éléments disparates et le passage d’atmosphères agitées à des terres beaucoup plus ambient demande un effort poussé d’assimilation. Il semble par ailleurs que l’album, petit à petit, s’enfonce dans des recoins déstabilisants, exempts de chant -je le déplore, j’adhère nettement mieux quand la voix s’invite-, qui l’écartent d’autant plus de la caste des rangés. Dont je ne suis pas,loin s’en faut et pourtant, je peine quelque peu.
Photo Clément Moussière.
Sombre donc, éclaté et sans concession aucune, Weapons exige temps et investissement. A y revenir, parfois, on s’y attarde. On décroche à nouveau, besoin de souffler. Pour s’y replonger, à doses mesurées, jusqu’à en extraire les moments et climats qui, au gré de leur sinuosité ou de leur chemin sans réel relief, parviendront à atteindre nos sens.
Bandcamp Apollo Noir / Bandcamp Santé Records / Bandcamp Tigersushi