Initié par Kai Reznik et Julien Schmitt, Fragile Figures est un duo oscillant entre post-rock cinématographique, post-punk et cold-wave. Il vit le jour à Belfort, en 2019. Silent Scars est son premier EP, il s’amorce sous des aspects lunaires (L’étreinte). Mais sans tarder, une vague post-cold arrive, saccadée, nerveuse. Des voix songeuses, belle idée, surviennent également. Après ces soubresauts, on retrouve un ton plus céleste. Le début est bon, il va ensuite se décliner sur quatre instrumentaux dont le premier, Three sisters can make you up, m’évoque initialement Jessica 93 et son shoegaze grungy. A ceci près qu’ici, on glisse de façon récurrente des motifs légers, bien trouvés, dans les compositions. Dommage, me dis-je cependant, qu’il n’y ait pas de chant sur cette suite accomplie. Ca tendrait à me faire décrocher mais heureusement, les ambiances troussés par les deux hommes ont du chien. Inédites, elles se démarquent. Le genre, chez Fragile Figures, est difficile à réellement nommer. On pratique, partiellement, à l’instinct et la recette semble fonctionner. Old echoes, d’une cold-wave aux motifs synthétiques doucereux, valide les investigations des artistes du 90. Sur son second volet, il s’agite sans perdre ses élans nuageux.
Plus loin, Stereography fait boucler ses sons. Araki Records et Atypeek Music soutiennent le projet, ça le met très certainement dans les meilleures dispositions. Ce quatrième morceau offre un fond grésillant, sur lit de sons plus clairs. On aime, chez Fragile Figures, à faire tanguer les tempos. On travaille les climats, on les hybride, on les peaufine. On fait du bruit, on fait aussi du beau. On cimente tout ça avec une certaine maitrise. Je ne connais pas, ou plutôt, je ne pense pas connaitre le pedigree des deux associés, mais on se doute bien qu’ils ne sont pas nés de la dernière pluie. Leur Silent Scars, entre beauté, donc, et brèches plus bruyantes, pourrait illustrer nos jours. Peut-être même a t-il été conçu dans cet esprit. Il s’écoute en tout cas sans déplaisir aucun et incite autant au trouble qu’à la sérénité. Underneath the surface, en toute fin d’épopée, se tend jusqu’à menacer d’imploser.
Il reste néanmoins sur la brèche, mazette!, j’aurais mis du chant là-d’dans moi, messieurs! Fût-il, comme sur L’étreinte, « venu d’ailleurs ». Il amène de façon incontestable un plus, et casse le tout-instru qui, parfois, atténue mon intérêt. Ca n’engage cependant que moi…
Il n’en reste pas moins que Silent Scars, typé, dote Fragile Figures d’une jolie carte de visite. Je men vais de ce pas explorer le parcours de ses auteurs, dont la qualité ici affichée laisse présager d’efforts antérieurs à prendre en compte, très certainement eux aussi décalés.