En septembre dernier, le légendaire Hint d’Arnaud Fournier et Hervé Thomas avait déjà soumis le peuple à la régalade, la « faute » à son Rareties of two Centuries qui regroupait une palette de trésors anciens, déterrés par la paire pour notre plus grand plaisir. On pensait avoir fait le tour mais avec Hint, la pépite n’est pas rare et aujourd’hui, la surprise nous vient d’un second volume, où trônent douze morceaux percutants. Et de haute volée, mais je ne suis pas sûr que la précision soit nécessaire. De toute façon Wipe (démo 1996 / inédit), hurlé « maison », coupe court à toute forme de contestation; sa noise aux paroles narrées, lourde et massive, décoche une première flèche qui nous perce le tronc. Entre trouées célestes et vocaux criés, une fois de plus, Hint affirme sa personnalité. On parle bien d’une démo, cette dernière a pourtant toutes les qualités pour honorer un album. Izis (démo 1996 / inédit), complètement secoué, lui succède rageusement. Sur moins de deux minutes, il se saccade colériquement. Vocalement, on n’en est toujours pas à la complaisance. J’imagine déjà les groupes d’aujourd’hui, à l’écoute, verdir et envier les deux gaillards, à la besace garnie. On reprend d’ailleurs à peine son souffle que HERMETISM (démo 1996 / Best-of “93-99” 2009), similaire dans sa durée, autant dans l’impact renvoyé, fait valser le casque.
Fichtre!, l’heure est à la beuglante et ça aussi, Hint maitrise. VERTICAL (with Daunik Lazro) (LP “File under Music” Rectangle Records 1995), dans une errance où le saxo déconne bien free et les bruits partent en vrille, nous rappelle que les chemins empruntés, chez le duo, n’ont jamais été très rectilignes. Il y a du Tom Waits, en termes de « bizarrerie » sonique, dans ce titre. HORIZONTAL (with Daunik Lazro) (LP “File under Music” Rectangle Records 1995) s’inscrit dans son parfait prolongement, en poussant l’étrangeté plus loin encore. En lui donnant, aussi, un surplus de « sonicité ». SECOND HAND (live at Pezner) (live 1998 / Best-of “93-99” 2009) enchaine, il dépayse sévèrement en son début. Son bruit marie riffs crus et saxo en crue. Le rythme est proche de l’indus, punk dans sa vigueur. Les voix, à nouveau, se passent de toute ritournelle charmeuse. On est servis, JONES WAS NOT A FISH (démo 1994 / inédit) flirte lui avec le Sonic Youth sombre et climatique des débuts. Ses guitares guerrières, sa cadence plombée/agitée l’animent, c’est l’alternance furie-accalmie qui prévaut. On est, de façon définitive et incoercible, cloué au sol.
VANDAL-X (démo 1994 / Best-of “93-99” 2009) déboule après ça: de façon « surprenante » il est lui aussi offensif, frontal et compact. S’agissant d’une reprise d’Unsane, ca coule de source. D’un temps bref, il accroit la sensation d’assaut continuel, de torrent noise nourri, qui caractérise l’ensemble. THE PROCESS (Drums version) (Compilation “Fat Butt Without Love Vol.2” FBWL 1997) présente, quand vient son tour, une facette plus mesurée. Il arrache l’auditeur à son confort, l’emmène dans des recoins du globe qu’il n’a jamais fréquentés. Lancinant, orné de voix cinématographiques, il fait le magnifique. Mieux, il l’est. Hint est au sommet, quand on se penche sur le parcours des acolytes on comprend d’ailleurs bien vite qu’avec eux, on fricote rarement avec la platitude. THE PROCESS (Sonic Area remix) (2005 / Best-of “93-99” 2009) impose ce même penchant lancinant, une ambiance étirée qui s’incruste dans le cerveau. Ses boucles sont sur la corde raide, elles dévient et obsèdent. On l’usera, ce Rareties of two centuries Vol. 2, jusqu’à ce qu’épuisement s’ensuive.
La compil’ nous offre, sur son terme, GLOBAL FUTURO (Zenta remix) (2005 / inédit) aux allures électro/hip(trip)-hop -du moins est-ce mon ressenti- psyché, céleste, à la fièvre sonore poussée à son paroxysme. Puis 100% WHITE PUZZLE (Sonic Area remix)(2005 / inédit) se paye le luxe de finir, suivant une atmosphère au bord de l’angoissant, répétée, le recueil. A sa moitié, la plage enfle et bruisse. Ses tons post-noise, l’habile boulot de reliftage de Sonic Area, l’habillent d’un tissu différent. Pour cette fin d’année, Hint frappe fort et donne l’impression que s’il revoyait le jour (j’entends par là se reformerait), il prendrait immédiatement place, en toute légitimité, sur les marches les plus élevées du podium international. Excellente cuvée, comme de coutume, et preuve irréfutable de l’énorme valeur des travaux de l’équipe Fournier/Thomas. Le tout chez Atypeek Music où les choses se font, là aussi, au gré de jolies courbes soniques récurrentes.